La femme qui deviendra la première première ministre de Thaïlande s'est empressée, lundi, de consolider la victoire obtenue aux léglislatives de dimanche en formant une coalition avec quatre partis plus petits. Yingluck Shinawatra a déclaré que sa priorité sera dorénavant «de mener le pays vers l'unité et la réconciliation».

Son parti, Pheu Thaï, a remporté une majorité absolue dimanche, en décrochant 265 des 500 sièges en jeu. Toutefois, la coalition annoncée lundi lui donne le contrôle de 299 de ces sièges, renforçant sa position.

De son côté, l'armée thaïlandaise a tenté de calmer les craintes de certains en acceptant la victoire de Mme Yingluck. Le ministre de la Défense, le général Prawit Wongsuwon, a promis que l'armée ne procédera pas à un coup d'État.

Mme Yingluck est la soeur de l'ancien premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, évincé du pouvoir par l'armée il y a cinq ans dans une prétendue affaire de corruption.

Le premier ministre sortant, Abhisit Vejjajiva, avait expliqué que voter pour Yingluck Shinawatra serait voter pour le «chaos». Il soupçonne la soeur de l'ancien premier ministre de préparer son retour à la faveur d'un projet d'amnistie des crimes politiques perpétrés après le coup d'État.

Quelque 47 millions d'électeurs avaient été appelés aux urnes pour ces législatives censées ramener la stabilité dans un pays en crise politique depuis le départ forcé de Thaksin.

Le scrutin s'est résumé essentiellement à un duel entre le parti Pheu Thaï, piloté à distance par Thaksin, et le Parti démocrate au pouvoir. Troisième mouture du parti Thaï Rak Thaï de Thaksin, Pheu Thaï défend traditionnellement les populations rurales du pays, notamment du nord, tandis que le Parti démocrate rassemble les élites urbaines et la classe moyenne, notamment à Bangkok et dans le sud.

Après le coup d'État militaire de 2006, le parti regroupant les partisans de Thaksin avait facilement remporté les élections de décembre 2007, destinées à restaurer la démocratie. Les anti-Thaksin, les «chemises jaunes», couleur de la royauté, avaient lancé de grandes manifestations, des milliers d'entre eux s'emparant des bureaux du chef du gouvernement Samak Sundaravej en août 2008. Ce dernier avait finalement été obligé de quitter le pouvoir, la justice le jugeant coupable de conflit d'intérêt.

Son successeur Somchaï Wongsawat, également perçu comme un homme de paille de Thaksin, avait lui aussi été contraint de quitter le pouvoir après une décision controversée de la justice, qui avait dissout son parti pour fraudes électorales. Une succession d'événements qui avait permis l'arrivée au pouvoir à la fin 2008 d'Abhisit Vejjajiva, soutenu par l'armée.

Mais la crise a culminé l'an dernier avec les manifestations massives des «chemises rouges», regroupant notamment des partisans de Thaksin Shinawatra, retranchés dans un camp fortifié à Bangkok. Le mouvement, réprimé par l'armée, s'est soldé par 91 morts et 1800 blessés, semant le chaos dans la capitale.

Le scrutin de dimanche s'était donc déroulé dans un climat tendu, avec quelque 170 000 policiers déployés dans tout le pays pour assurer la sécurité dans les bureaux de vote.