Le premier ministre japonais, Naoto Kan, qui fête mercredi sa première année de pouvoir, est soumis à d'énormes pressions de l'opposition et de son propre camp pour céder la place à un gouvernement d'union nationale chargé de reconstruire le nord-est dévasté par un tsunami.

M. Kan, très critiqué pour sa gestion de la crise, est le cinquième chef de gouvernement en cinq ans, depuis le départ en 2006 du très populaire Junichiro Koizumi, resté plus de cinq années en poste.

Mais ce nouvel épisode de la guerre des chefs à laquelle se livrent les politiciens nippons, de droite comme de gauche, est d'autant plus indécent que le Japon est confronté à la plus grande catastrophe depuis la Deuxième Guerre mondiale, après le séisme et le tsunami géant du 11 mars.

«Ne devenez pas la risée du monde», a lancé dans un éditorial le journal Mainichi à l'adresse du microcosme politique nippon, en l'accusant de s'adonner à «un jeu politique qui n'a aucune considération pour les victimes» du désastre, lequel a fait près de 24 000 morts et disparus et provoqué un grave accident à la centrale nucléaire de Fukushima.

Quelque 106 000 personnes vivent toujours dans des abris de fortune dans le nord-est.

La mise à mort politique et médiatique de M. Kan, 64 ans, a déjà commencé et il aura beaucoup de mal à en réchapper.

Jeudi dernier pourtant, il avait réussi avec habileté à désamorcer une motion de défiance de l'opposition conservatrice, menée par le Parti Libéral-Démocrate (PLD), que des membres de son propre parti de centre-gauche étaient prêts à soutenir. Il avait promis avant le vote de céder le pouvoir, une fois accomplie sa tâche pour la reconstruction des zones dévastées et la stabilisation de la crise nucléaire.

Ses détracteurs avaient interprété ses déclarations comme l'annonce d'un départ imminent, d'ici à la fin juin au plus tard.

Mais le soir même, le premier ministre lâchait du bout des lèvres aux journalistes qu'il pourrait attendre janvier, que les réacteurs endommagés de Fukushima soient stabilisés.

S'estimant floués, les responsables du PLD et une partie des élus du Parti Démocrate du Japon (PDJ) de M. Kan exigent désormais qu'il cède le pouvoir au plus vite. Ils proposent de constituer une «grande coalition», sorte de gouvernement d'union nationale, seul à même, disent-ils, de relever les défis du pays.

Le patron des patrons nippons, Hiromasa Yonekura, se réjouit de cette perspective.

«Le travail de reconstruction exige une direction politique forte», a-t-il commenté.

Les conservateurs du PLD, qui ont été renversés par le PDJ lors des législatives de 2009 après plus d'un demi-siècle de domination sur le Japon, ont déjà promis d'utiliser leur majorité au Sénat pour rejeter tous les projets de loi déposés par M. Kan.

Le premier ministre souhaiterait faire adopter une loi sur la reconstruction dans le nord-est, une deuxième rallonge budgétaire pour financer cet effort et surtout une loi l'autorisant à émettre des obligations.

«Malgré le rejet de la motion, il y a de fortes probabilités pour que M. Kan démissionne en juin ou au plus tard en août», a estimé Ryutaro Kono, économiste en chef à BNP Paribas Securities.

Tetsuro Kato, professeur de l'Université Waseda, pense qu'une grande coalition est «envisageable». «Mais elle doit être limitée dans le temps pour régler certaines questions, en priorité la reconstruction», a-t-il jugé.

Les prochaines élections législatives sont prévues à l'été 2013.