L'hypothèse d'une trêve rapide entre la Thaïlande et le Cambodge s'éloignait mercredi, après l'annulation par Bangkok d'une rencontre des deux ministres de la Défense et la poursuite des échanges de tirs à l'arme lourde le long de la frontière.

Le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, a lancé un appel au «cessez-le-feu», au sixième jour de combats qui ont déjà fait 14 morts et qui plongent des dizaines de milliers de déplacés dans l'angoisse.

Mais la seule opportunité de discussions immédiates, une rencontre prévue à Phnom Penh des ministres de la Défense cambodgien Tea Banh et thaïlandais Prawit Wongsuwon, a été annulée par le gouvernement de Bangkok.

«Nous acceptons des discussions à condition qu'ils arrêtent de nous tirer dessus d'abord pendant quelques jours», a indiqué le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole de l'armée thaïlandaise.

Le porte-parole, et le ministre de la Défense lui-même, se sont par ailleurs insurgés contre l'affirmation par des médias cambodgiens que Bangkok avait reconnu sa défaite militaire.

«Je peux vous rassurer sur le fait que je parlerai avec le Cambodge, mais je ne veux pas que le public considère que le fait que je discute soit une défaite pour la Thaïlande», a indiqué le ministre avant de s'envoler pour Pékin pour une visite officiellement prévue de longue date.

«La Thaïlande n'est pas sincère dans sa volonté d'obtenir un cessez-le-feu permanent», a regretté Phay Siphan, porte-parole officiel cambodgien.

Mercredi matin, une journaliste de l'AFP a été refoulée par les autorités du village de Phanom Dong Rak, côté thaïlandais, à cause des combats.

Selon des sources militaires, ces derniers ont repris au lever du jour à proximité de deux petits temples situés le long d'une frontière qui n'a jamais été délimitée précisément. Ils ont duré quelques heures.

«La Thaïlande n'a jamais envahi aucun pays. Nous devons répondre s'ils n'arrêtent pas d'attaquer», a déclaré à la télévision le Premier ministre thaïlandais, Abhisit Vejjajiva, en mission dans l'est du pays. «Il n'y a pas de raison pour la Thaïlande d'attaquer le Cambodge, qui veut simplement accentuer le conflit».

«Nous combattons des ennemis sur notre territoire», a assuré pour sa part Hun Sen. Au pouvoir depuis 1985, il a affirmé n'avoir jamais travaillé avec un gouvernement thaïlandais qui «partait en guerre» pour résoudre ses problèmes frontaliers.

En fin de journée, un communiqué de son gouvernement a estimé que les «bombardements inhumains et aveugles» par la Thaïlande «n'étaient autres que des crimes contre l'humanité». Signe d'une guerre des mots sans limite, le texte faisait même état «d'actes apparents de génocide».

Les précédents combats entre les deux voisins, du 4 au 7 février, avaient déjà fait dix morts.

La tension était brusquement montée en 2008 lorsque l'Unesco a classé les ruines du temple de Preah Vihear, qui relèvent de la souveraineté du Cambodge, mais dont la Thaïlande contrôle les principaux accès. Les deux pays revendiquent aussi une zone de 4,6 km2 en contrebas de l'édifice.

L'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (Asean), dont les deux pays sont membres, et l'ONU, dont le Conseil de sécurité s'est réuni en février sur le sujet, échouent à imposer un dialogue d'autant plus délicat que les combats alimentent les nationalistes des deux camps.

Bangkok exige par ailleurs un règlement bilatéral, alors que Phnom Penh demande l'intervention d'une tierce partie.

Hun Sen a laissé entendre qu'il rencontrerait son homologue à Jakarta lors d'un sommet régional les 7 et 8 mai. Mais uniquement «devant les dirigeants de l'Asean».