Le gouvernement chinois a refusé hier de communiquer la moindre information au sujet de l'artiste Ai Weiwei. Cette figure emblématique de la contestation chinoise n'a pas donné signe de vie depuis son arrestation, le 3 avril dernier. Entre prises de position engagées et oeuvres d'art monumentales, retour sur le parcours d'un homme qui dérange les autorités chinoises.

De lui, on a d'abord connu un doigt, dans les années 90. Un doigt d'honneur qu'Ai Weiwei tendait, à travers sa série de photos Study of Perspective, devant de nombreux monuments du monde entier. Notamment la statue de la Liberté, la Maison-Blanche, et surtout la place Tiananmen à Pékin.

Mais aujourd'hui, son esprit rebelle pourrait lui coûter cher. Arrêté le 3 avril dernier à l'aéroport de Pékin, Ai Weiwei est poursuivi pour «crimes économiques», et détenu depuis dans un endroit gardé secret.

Né en 1957 et considéré aujourd'hui comme le «Andy Warhol chinois», il commence à se faire connaître dans les années 70 avec son groupe d'avant-garde Les Étoiles.

Discours radical

Ses oeuvres, souvent monumentales comme celle qu'on retrouve actuellement à la Tate Modern de Londres, sont exposées partout dans le monde. Mais c'est surtout son fameux nid d'oiseaux, le stade des Jeux olympiques de Pékin, qu'il réalise avec deux architectes suisses, qui le mettra sur le devant de la scène internationale.

Parallèlement à son ascension, son discours politique se radicalise. Marqué par le tremblement de terre, survenu en mai 2008 dans la province du Sichuan, il accuse ouvertement le gouvernement chinois d'être responsable de la mort de milliers d'écoliers.

En 2009, pour son oeuvre Remembering, il assemble 9000 sacs d'écolier de différentes couleurs formant un message sur le mur du musée Haus der Kunst, à Munich.

On peut y lire: «Elle a vécu heureuse en ce monde pendant sept ans.» Ce sont les mots prononcés par une mère qui a perdu sa fille lors du séisme.

Sous haute surveillance

Depuis quelques mois, l'artiste était sous haute surveillance. En décembre, quelques jours avant la cérémonie du prix Nobel de la paix, décerné au dissident chinois Liu Xiaobo, les autorités l'avaient empêché de prendre un avion en direction de la Corée du Sud. Il était déjà accusé de mettre «en danger la sécurité nationale».

En janvier, son atelier de Shanghai a été entièrement détruit. Et trois mois auparavant, il avait été placé en résidence surveillée.

La semaine dernière, après une visite de la police à son studio, il écrivait sur son compte Twitter: «Suis-je déjà foutu?»

«L'arrestation d'Ai Weiwei était à prévoir, du fait de son implication dans la charte 08, qui appelle à une réforme politique et un mouvement démocratique chinois. Ça a fait de lui sinon un ennemi, quelqu'un de dérangeant pour l'ordre public chinois», explique Barthélémy Courmont, chercheur à l'IRIS et spécialiste de l'Asie de l'Est.

Mais Ai Weiwei ne fait pas figure d'exception. Depuis la mi-février, des centaines de contestataires ont été arrêtés, assignés à résidence, ou ont tout simplement «disparus».

Selon M. Courmont, on assiste actuellement à la plus importante vague de répression depuis les manifestations de la place Tiananmen en 1989, accélérée par la crainte d'une contagion des récentes révolutions au Proche-Orient. «À la différence près, qu'aujourd'hui cela se fait d'une manière plus lente et plus discrète.»