L'artiste chinois Ai Weiwei, connu pour ses oeuvres autant que pour son militantisme, s'est attiré les foudres de la police et du gouvernement, jusqu'à son arrestation ce week-end qui suscitait mardi les inquiétudes de grands pays et d'associations de défense des droits de l'Homme.

Ce fils d'un poète vénéré par les anciens dirigeants communistes a participé à la conception du célèbre «nid d'oiseau» pour les jeux Olympiques de Pékin en 2008.

Mais ses critiques féroces des dirigeants chinois -il les qualifie de «gangsters"- et son engagement dans des causes humanitaires ont fait de lui un ennemi du régime, aux yeux de Pékin.

Ai Weiwei, dont des oeuvres sont actuellement exposées à la Tate Modern de Londres, a été arrêté dimanche à l'aéroport international de Pékin au moment où il s'apprêtait à prendre un avion. La police a perquisitionné à son atelier du nord-est de la capitale.

La police de Pékin et le ministère chinois des Affaires étrangères ont refusé mardi de commenter la disparition de l'artiste.

Plusieurs pays, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Union européenne, ainsi que des associations, comme Amnesty International, se sont déclarés préoccupés par le sort de cet homme de 53 ans, à la stature imposante et à la barbe fournie, qui a récemment qualifié d'«inhumain» le régime chinois.

Ai Weiwei est né en 1957. Son père, Ai Qing, était un célèbre poète, membre du Parti communiste, envoyé néanmoins en camps de travail avant d'être réhabilité.

À la fin des années 70, le jeune Ai s'est fait connaître en appartenant à un groupe d'artistes d'avant-garde, appelé «The Stars». Il quitte la Chine et passe une dizaine d'années aux États-Unis avant de rentrer dans son pays natal au début des années 90.

L'artiste est renommé pour ses expositions monumentales, comme celle en cours à la Tate Modern, à Londres : un tapis de 100 millions de graines de tournesol en porcelaine.

Mais son oeuvre la plus connue est probablement le stade des JO de Pékin, conçu avec les architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron. Ai avait qualifié ces Jeux de «sourire forcé» de la Chine.

Il a un blog très suivi -et souvent censuré- sur lequel il diffuse de petits films et livre des commentaires acerbes sur la classe politique. Le blog a été récemment fermé.

L'artiste a défendu de nombreuses causes humanitaires et réalisé une vaste enquête sur les effondrements de bâtiments scolaires au cours du séisme dans la province du Sichuan (sud-ouest) en 2008, imputables à la corruption des cadres locaux.

Il a affirmé avoir subi une opération du cerveau en Allemagne, à cause des coups administrés par la police en 2009 qui voulait l'empêcher de témoigner au procès d'un militant, toujours dans le cadre du séisme au Sichuan.

En janvier, son atelier dans la banlieue de Shanghai avait été démoli. Ai Weiwei avait été brièvement placé en résidence surveillée trois mois auparavant pour avoir voulu «célébrer» avec ses fans l'annonce de cette destruction.

Son arrestation intervient dans un contexte particulièrement difficile pour les opposants chinois, dont des dizaines ont été arrêtés, assignés à résidence ou éloignés de chez eux ces dernières semaines.

Pékin craint une contagion des révoltes du monde arabe, selon les organisations de défense des droits de l'Homme.