Des dizaines de milliers de Tibétains en exil votaient dimanche pour élire leur nouveau premier ministre, qui pourrait à terme incarner la nouvelle figure de la lutte pour la liberté du peuple tibétain en Chine après la décision du dalaï-lama de renoncer à ses fonctions politiques.

À 75 ans, le dalaï-lama a annoncé le 10 mars son intention de renoncer à son rôle politique de chef du mouvement des Tibétains en exil, essentiellement symbolique, et de transmettre ses responsabilités officielles à un nouveau premier ministre aux pouvoirs élargis.

Dans un climat d'inquiétude face à cette transition, quelque 85 000 électeurs, dans 13 pays, doivent désigner ce nouveau premier ministre, appelé le Kaon Tripa.

Le favori, 43 ans, diplômé d'Harvard et spécialiste du droit international, a pour nom Lobsang Sangay et a face à lui deux autres candidats.

«Les gens voient en moi quelqu'un à la fois ancré dans la tradition et moderne», a-t-il déclaré vendredi à l'AFP.

Pour l'actuel premier ministre, Samdhong Rinpoche, un moine élu en 2001 qui ne se représente pas, «les élections sont toujours importantes, mais cette fois elles coïncident avec la transition».

«Le nouveau chef aura beaucoup plus de responsabilités», a-t-il indiqué récemment à l'AFP.

Les résultats du vote doivent être connus à la fin avril.

Considérée comme nécessaire, cette transition semble cependant risquée aux yeux des observateurs qui se demandent si son successeur aura la même influence, notamment à l'étranger, que le dalaï-lama pour faire avancer la cause des Tibétains.

Au cours d'un débat historique au parlement tibétain en exil mardi, la majorité de l'assemblée composée de 47 membres s'est opposée à la décision du dalaï-lama d'abandonner ses fonctions politiques, se faisant l'écho d'une grande partie de l'opinion tibétaine qui estime que la lutte de cette communauté risque d'être fragilisée.

Jeudi, le dalaï-lama a rejeté ces appels à reconsidérer sa décision, affirmant que c'était la «meilleure (...) pour le long terme».

Son retrait politique doit être approuvé par le parlement, mais cela pourrait prendre des semaines en raison de la diversité des positions des parlementaires.

Le prix Nobel de la paix, désigné dalaï-lama à l'âge de trois ans, considère qu'il est en semi-retraite depuis 2001, date à laquelle un premier ministre a été élu pour la première fois, aboutissant à davantage de responsabilités pour le parlement.

«Dix ans de semi-retraite pour moi ont aujourd'hui passé. Le temps est maintenant venu d'une retraite complète», a-t-il argumenté.

Selon lui, la transmission progressive du pouvoir devrait être un exemple pour les dirigeants autoritaires qui s'agrippent au pouvoir, citant notamment les dirigeants au sein du parti communiste chinois.

Sans aucune responsabilité politique, le dalaï-lama espère qu'il aura «plus de temps pour donner des conférences et se rendre dans différentes parties du monde».

Le chef spirituel des Tibétains en exil a toutefois assuré qu'il resterait «pleinement engagé dans la lutte pour la justice des Tibétains».

«Chaque Tibétain a une responsabilité», a-t-il assuré.

Abhorré par Pékin qui voit en lui un dangereux séparatiste, le dalaï-lama assure défendre une stratégie conciliante face à la Chine, une «voie moyenne» qui prône une simple «autonomie culturelle».