Un célèbre avocat autodidacte chinois et militant des droits de l'Homme a été passé à tabac par la police après avoir dénoncé dans une vidéo clandestine les conditions carcérales de son assignation à résidence, a affirmé vendredi une association.

Chen Guangcheng, aveugle depuis l'enfance, a été violemment battu par les policiers, furieux qu'il ait réussi à faire parvenir à l'extérieur cette bande vidéo, malgré la surveillance permanente dont il fait l'objet, a assuré l'ONG Chinese Human Rights Defenders (CHRD).

L'épouse de M. Chen, Yuan Weijing, a également été frappée par la police, a indiqué dans un communiqué CHRD.

Dans cette vidéo diffusée jeudi, M. Chen fustigeait «les méthodes de voyous» exercées à son encontre, notamment la surveillance 24 heures sur 24 de sa maison dans la province du Shandong (est) par une soixantaine de vigiles qui se relaient.

Il s'agissait des premières paroles publiques de Chen Guangcheng depuis le 9 septembre 2010, jour où il avait été libéré de prison après y avoir passé plus de quatre années pour son militantisme en faveur des plus pauvres.

Ce passage à tabac a obligé M. Chen à rester alité et les policiers lui refusent tout accès à des soins médicaux, a précisé CHRD, une organisation basée à Hong Kong, en citant un informateur anonyme.

Plusieurs militants des droits de l'Homme ont confirmé à l'AFP être au courant du passage à tabac de l'«avocat aux pieds nus», un juriste autodidacte se consacrant à la défense des plus défavorisés.

«Il est évident que l'information provient de Chen Guangcheng, mais la façon dont elle est parvenue au public n'est pas claire», a déclaré à l'AFP Teng Biao, un éminent juriste et défenseur des droits de l'Homme.

«Son assignation à résidence constitue une violation patente de la loi», a-t-il ajouté.

La police n'a pas répondu vendredi à plusieurs coups de téléphone de l'AFP sur le sujet.

Dans la vidéo d'une heure réalisée en cachette, Chen Guangcheng dénonce son «emprisonnement» à domicile. Il relate que trois équipes de 22 gardes se relaient pour observer ses moindres faits et gestes, lui interdisant tout contact avec l'extérieur.

Sur les images apparaît l'un de ces vigiles, qui épie l'intérieur de la modeste ferme de M. Chen. Le village autour est truffé de caméras vidéo et les communications des téléphones portables y sont bloquées.

Ce document permet d'imaginer les éprouvantes conditions au quotidien de nombreux militants chinois, telle Liu Xia, l'épouse du dissident et prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, qui, tout en étant théoriquement libres, sont en fait isolés par la contrainte.

Chen Guangcheng, 39 ans, avait révélé des pratiques abusives de stérilisation de milliers de femmes et d'avortements tardifs et forcés dans son district du Shandong.

Il est devenu un symbole de ces militants qui ont payé de leur liberté leur dénonciation des injustices dans les campagnes chinoises.