Le parlement issu des élections de novembre en Birmanie, et dans lequel la junte jouit d'une majorité écrasante, est convoqué lundi pour la première fois, un saut dans l'inconnu alors que les élus eux-mêmes ignorent tout de son fonctionnement et de son pouvoir.

Pour d'étranges raisons sans doute liées à l'astrologie, les 1154 élus des chambres haute et basse du parlement national, ou de l'un des 14 parlements régionaux, sont conviés à 8h55 précise (02h25 GMT) en longyi, la tenue traditionnelle birmane.

Les 388 militaires désignés hors élection, soit un quart des parlementaires, viendront pour leur part en uniforme participer à cette étape majeure de la «feuille de route» pour une «démocratie disciplinée», que le régime met en oeuvre depuis 2003.

Mais les députés, jamais formés au travail parlementaire, ignorent tout de cette première session, y compris sa durée et son ordre du jour.

«Personne ne sait vraiment comment les parlements seront organisés», avoue ainsi Soe Win, un élu de la Force démocratique nationale (NDF, opposition). «Nous saurons quand nous y serons».

Selon un calendrier qui n'a pas été publié, trois candidats à la présidence du pays seront élus respectivement par la chambre haute, la chambre basse et le collège des militaires. Un comité restreint élira parmi eux un président et deux vices-présidents.

Le nom de Thura Shwe Mann, ex-numéro trois de l'armée jusqu'à sa retraite en août 2010, revenait régulièrement dans les pronostics pour la fonction suprême. Mais aucune information ne filtrait sur les projets de Than Shwe, homme fort de la junte âgé de 77 ans.

Celui qui dirige le pays d'une poigne de fer depuis 1992 veut aujourd'hui assurer la survie de son clan et la sécurité de sa retraite, selon Renaud Egreteau, expert de la Birmanie à l'université de Hong Kong.

«Éviter l'affirmation d'un leader incontesté capable de lui succéder rapidement, et donc d'écarter son clan des hautes sphères de l'Etat et des bénéfices économiques que cela implique, semble être l'une des priorités de Than Shwe», estime-t-il.

Le nouveau président désignera ensuite un gouvernement, en jouissant d'un parlement aux ordres. Le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP, pro-junte) a remporté plus de 75% des sièges en jeu. Une majorité à laquelle s'ajoute les 25% de militaires d'active.

«Ce sont de petits officiers sans beaucoup d'expérience, si ce n'est l'entraînement militaire, afin qu'ils se contentent d'obéir aux ordres», estime Win Min, analyste birman installé aux États-Unis.

La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de la célèbre opposante Aung San Suu Kyi ne sera pas représentée. Elle a boycotté les élections et sa chef de file n'a été libérée de résidence surveillée qu'après le scrutin.

Reste que le pays, dirigé par des militaires depuis 1962, aura son parlement avec des polémiques, des questions et des débats, même si nul ne sait s'ils seront publics. Une chance mesurée, mais une chance quand même, que les parlementaires veulent saisir.

«Nous avons préparé deux requêtes et deux questions sur la liberté de la presse et l'amnestie générale des prisonniers politiques», assure ainsi Aung Zin, un autre député de la NDF.

«Nous n'aurons peut-être le temps de ne discuter de rien pour la première session», admet pour sa part Sai Aik Paung, président du Parti des nationalités shan, troisième formation du pays avec 57 sièges.

«Mais nous voulons qu'un leader ethnique soit désigné vice-président au titre de la solidarité ethnique. C'est très important pour la réconciliation».