Le parti communiste au pouvoir au Vietnam (PCV), touché par la crise économique et des appels à la démocratisation, a renouvelé a minima sa direction mercredi, sans témoigner de volonté de changement et en reconduisant, semble-t-il, son puissant premier ministre.

Le parti unique a clos un congrès quinquennal de huit jours entièrement à huis clos en reconduisant deux tiers des 14 membres de son politburo, coeur névralgique du pouvoir, dont le premier ministre et les ministres de la Sécurité publique et de la Défense.

Dans une atmosphère étriquée, devant la statue du fondateur Ho Chi Minh et dans le respect d'immuables rituels marxistes-léninistes, le parti a désigné Nguyen Phu Trong, un idéologue conservateur de 66 ans, au poste de secrétaire général et numéro un du régime.

«Je ne pense pas qu'on assistera à de brusques changements de direction», a admis David Koh, de l'Institut des études du sud-est asiatique à Singapour. «Le rythme des réformes sera lent».

Le régime n'a pas laissé filtrer l'ordre protocolaire du politburo, d'où est en général déduit par les observateurs le nom du Premier ministre et du président.

Seule la disposition des personnalités posant pour la photo officielle a permis de confirmer les pronostics, selon lesquels Nguyen Tan Dung (prononcer Zung), 61 ans, sera bien reconduit en mai à la tête du gouvernement pour cinq ans de plus, après un vote symbolique de l'Assemblée nationale.

Ce technocrate originaire de la pointe sud du pays n'a cessé de monter en puissance ces dernières années, jusqu'à devenir de facto l'homme le plus puissant du Vietnam.

«Tout le monde, y compris ceux qui ne l'aiment pas, ont été impressionnés ces derniers mois», a relevé un homme d'affaires étranger en évoquant sa «force de manipulation».

Dung a su s'attirer les faveurs des milieux d'affaires, de la presse locale et des chancelleries occidentales, tout en conservant l'appui de l'armée et de la police. Chahuté par l'assemblée en novembre, il avait reçu le soutien des militaires jusque dans l'hémicycle.

«L'intervention de l'armée pour le défendre a été une des clés de son maintien au pouvoir», a estimé Benoît de Tréglodé, directeur de l'Institut de recherche sur l'Asie du sud-est contemporaine (IRASEC).

Le chef du gouvernement devra maintenant trouver une solution à la crise systémique qui frappe le pays, porté par une forte croissance mais rongé par une inflation et un déficit commercial préoccupants.

Le Vietnam, considéré il y a vingt ans comme un futur «dragon» asiatique, a même été dégradé en décembre par deux agences de notation internationales, sanctionnant la fragilité de son système bancaire et la non solvabilité d'un secteur public surdimensionné.

Au sein de l'appareil, le Premier ministre partagera le pouvoir avec le secrétaire général, mais cette fonction «est désormais plus en retrait», a ajouté Benoît de Tréglodé. Il sort donc du congrès en pleine puissance.

«C'est la concentration des pouvoirs économique et politique sur une seule personne», a dénoncé l'analyste économique vietnamien Nguyen Quang A.

Truong Tan Sang, 61 ans, complètera le triumvirat à la tête du régime. Grand rival de Dung, il doit devenir président du Vietnam en mai.

Derrière ce jeu de chaises musicales, le congrès aura aussi permis au PCV de rappeler sa mainmise sur le pouvoir, après la vague d'arrestations et de condamnations d'opposants de l'an passé.

«L'État du Vietnam permet toujours au peuple de jouir des meilleurs droits» a assuré, lors de la conférence de presse de clôture, un cadre du ministère des Affaires étrangères.