Le premier ministre chinois Wen Jiabao est arrivé mercredi en Inde avec une importante délégation d'hommes d'affaires pour une visite, la première depuis cinq ans, visant à consolider des relations ébranlées par des désaccords commerciaux et territoriaux.

Au premier jour de sa visite, des centaines de Tibétains en exil ont manifesté à New Delhi contre l'administration chinoise au Tibet, à l'appel du Congrès des jeunes Tibétains (TYC) qui milite pour l'indépendance de cette région himalayenne étroitement contrôlée par Pékin.

L'Inde abrite des milliers d'exilés tibétains ainsi que leur leader spirituel, le dalaï lama, qui vit à Dharamsala, dans le nord du pays, depuis sa fuite du Tibet en 1959 à la suite d'un soulèvement antichinois.

Wen Jiabao et son homologue Manmohan Singh ont tous deux assuré que le monde était «assez grand» pour permettre la croissance et l'ambition concomitantes des deux géants asiatiques mais les relations bilatérales sont émaillées de méfiance mutuelle depuis des décennies.

Leurs tensions commerciales liées à la course aux marchés mondiaux et aux matières premières pour alimenter la croissance de leur économie ont exacerbé leurs différends concernant leurs frontières communes et les activités du dalaï lama, considéré par Pékin comme un dangereux séparatiste.

À la veille de la visite de Wen Jiabao, l'ambassadeur chinois en Inde, Zhang Yan, qualifiait leur relation bilatérale de «fragile» et nécessitant «une attention particulière».

Le premier ministre chinois - dernier dirigeant en date à se rendre en Inde après le premier ministre britannique Cameron, le président américain Obama et le président français Sarkozy - est accompagné d'une délégation forte de 400 hommes d'affaires, dépassant nettement celle de ses récents prédécesseurs.

En dépit des tensions, les relations économiques sont en plein essor, avec des échanges devant atteindre 60 millions de dollars pour l'année budgétaire s'achevant en mars, en hausse par rapport aux 42 millions $ US un an plus tôt.

«Laissons le commerce mener la discussion», jugeait, prudent, le quotidien Hindustan Times dans un éditorial.

L'Inde demande toutefois à la Chine un plus grand accès au secteur pharmaceutique chinois et à son marché des technologies.

Wen Jiabao devait assister mercredi dans la journée à un sommet économique.

Il rencontrera jeudi le premier ministre indien pour des discussions qui devraient aborder leurs conflits territoriaux le long de la chaîne himalayenne, responsables d'une brève guerre sanglante en 1962.

La Chine avait fermement condamné l'an dernier la visite de Manmohan Singh et du dalaï lama dans l'État de l'Arunachal Pradesh, que Pékin revendique dans son intégralité.

D'autres motifs de discorde planent aussi sur les relations bilatérales, tels l'accueil mitigé de Pékin à la demande indienne d'obtention d'un siège permanent au conseil de sécurité des Nations unies.

Selon Harsh V. Pant, du département des études sur la défense au King's College de Londres, les tensions entre les deux poids lourds sont inévitables au sein d'une relation qui aidera à définir l'équilibre mondial du 21e siècle.

«Une histoire troublée, associée à des incertitudes structurelles engendrées par leur croissance simultanée, propulse les deux pays vers une trajectoire qu'ils devraient trouver difficile pour gouverner dans les années qui viennent», a-t-il prédit.