La Chine est frustrée par des dirigeants birmans intraitables mais craint surtout l'instabilité en Birmanie, tandis que les Etats-Unis jugent la junte paranoïaque, révèlent des documents du département d'Etat américain divulgués par Wikileaks et repris dimanche par Le Monde.fr.

En juin 2006, au secrétaire d'Etat adjoint chargé de la région Asie-Pacifique, Chris Hill, son homologue chinois Wu Dawei confie sa frustration à l'égard d'un régime, «où une seule personne prend toutes les décisions importantes». La junte, dit-il, n'a même pas jugé utile d'informer Pékin du déplacement de la capitale de Rangoun vers Naypyidaw.

La Chine, résume M. Wu, soutient la Birmanie non pas parce qu'elle aime son régime mais parce que la situation volatile, en particulier celle des minorités ethniques près de la frontière avec la Chine, lui fait craindre un afflux de réfugiés.

Après le cyclone Nagis en 2008, la junte fera savoir aux Américains qu'elle est prête à dialoguer.

Dans une analyse transmise à Washington en avril 2009, le chargé d'affaires américain à Rangoun, Larry Dinger, se montre sans illusions sur ces généraux despotes, «xénophobes», ce qui les rend imperméables aux pressions chinoises et «paranoïaques à l'égard des Etats-Unis».

Ils ont vraiment cru, rapporte-t-il, à une invasion quand un porte-hélicoptères porteur d'aide humanitaire s'est approché des côtes birmanes après le cyclone. Ils sont obsédés par «l'unité et la stabilité de l'Etat», «ignorants des réalités».

Toutefois, il se peut qu'ils cherchent une «stratégie de sortie»: le chef de la junte, Than Shwe, «aurait mentionné au président indonésien Yudhoyono sa volonté d'éviter de comparaître devant un tribunal international».

Et les Américains relèvent chez certains responsables militaires birmans une réticence croissante à une dépendance excessive à l'égard de Pékin.

En octobre, les Etats-Unis qui ont mené un réexamen de leur politique birmane, soumettent aux Chinois leurs préoccupations sur le blocage politique en Birmanie et les risques de prolifération nucléaire.

L'analyse chinoise diffère: une responsable de la diplomatie chinoise, Yang Yanyi, fait valoir les «pas positifs» accomplis par le régime birman.

Le généralissime Than Shwe, affirme-t-elle, est quelqu'un «d'accès facile» mais qui doute des intentions américaines à cause de l'invasion de l'Irak, qui a abouti à un changement de régime.

Et la Chine, avertit Mme Yang, «ne laissera pas la Birmanie tomber dans le chaos».