À peine les cendres étaient-elles retombées sur les quatre morts de l'attaque nord-coréenne contre l'île sud-coréenne de Yeonpyeong que les États-Unis avaient déjà entamé une offensive diplomatique en Chine. La Maison-Blanche a indiqué hier que l'ambassade américaine à Pékin tente depuis hier de convaincre la Chine de sévir contre son allié nord-coréen et que le président Barack Obama s'entretiendra à ce sujet, dans les prochains jours, avec le président chinois, Hu Jintao.

Mais ces efforts pourraient bien être vains, selon un spécialiste de la mer Jaune, le bras de mer qui sépare l'empire du Milieu des deux Corées. La Chine a lancé hier un appel au calme tout en s'abstenant de condamner le barrage d'artillerie contre Yeonpyeong.

«Tout d'abord, la Chine n'aime pas tancer publiquement Pyongyang», explique Mark Valencia, chercheur associé à Nautilus, un groupe de réflexion sur le Pacifique Nord, joint à Hawaii. «Tant qu'il n'y a pas d'escalade, Pékin n'y voit pas de gros problème. Les tensions gardent les États-Unis occupés et diminuent leur marge de manoeuvre. Une Corée unifiée alliée des Américains est le pire cauchemar de la Chine.»

Les nombreux affrontements entre le Sud et le Nord en mer Jaune s'inscrivent dans un contexte plus large de concurrence navale sino-américaine. «Cet automne, au sommet de l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), Hillary Clinton a humilié les Chinois en appuyant le Vietnam et d'autres voisins de la Chine dans leurs revendications territoriales en mer de Chine, dit M. Valencia. Il y a de plus en plus d'accrochages entre les marines américaine et chinoise. Compter sur une coopération navale chinoise est illusoire pour le moment.»

Au début de l'automne, un bras de fer entre le Japon et la Chine a eu lieu quand la garde côtière nippone a détenu pendant quelques jours le capitaine d'un chalutier chinois s'étant approché d'une île japonaise revendiquée par la Chine. À la fin des années 80, un affrontement naval sino-vietnamien avait fait près d'une centaine de morts.

La 7e flotte américaine a annoncé hier que le porte-avions George Washington participerait à des manoeuvres navales conjointes avec la Corée du Sud en mer Jaune. Une telle annonce avait été également faite le printemps dernier, quand une enquête internationale avait conclu que la Corée du Nord avait torpillé un navire de guerre sud-coréen en mars. Mais des protestations chinoises avaient obligé Washington à reculer. Une autre présence planifiée du George Washington en mer Jaune, en octobre, avait été annulée pour ne pas créer de tensions avant le sommet du G20.

«Quel pays ne protesterait pas à l'annonce de manoeuvres navales à quelques centaines de kilomètres de sa capitale? demande M. Valencia. La Chine n'a pas le pouvoir d'en empêcher les États-Unis. Mais la coopération ne fonctionne pas à sens unique.»

L'intensification des manoeuvres navales est une conséquence logique de la nucléarisation de la Corée du Nord, selon Jeffrey Lewis, spécialiste de la prolifération nucléaire à la New America Foundation. «Avant, la Corée du Sud était sous le parapluie nucléaire américain, dit M. Lewis. Mais les États-Unis ne peuvent être certains qu'une frappe nucléaire tactique détruirait les bombes nucléaires nord-coréennes. Il faut donc intensifier la lutte anti-sous-marine et la défense antimissile pour protéger la Corée du Sud.»