Dans le bazar de Kharkhana, au Pakistan, on trouve de tout pour équiper un soldat à la dernière mode américaine. Et il ne s'agit pas de pâles copies: ces accessoires sont précisément ceux utilisés par les Américains en Afghanistan! Car avant même d'avoir pu rejoindre les troupes de l'OTAN au front, les convois de ravitaillement sont pillés sur les routes du Pakistan et la marchandise est revendue sur les marchés, a constaté notre collaborateur.

Poignards, étuis à pistolet, lunettes de précision pour fusil d'assaut avec lampe torche et laser intégré sont alignés sur les étalages. Ces accessoires made in USA équipent les soldats américains en Afghanistan. Pourtant, nous ne sommes pas sur une base américaine, mais au Pakistan, dans le bazar de Kharkhana, à Peshawar. Ce qui est vendu ici a été volé dans les conteneurs de l'OTAN, dont 40% du ravitaillement passe par le Pakistan.

Chaque jour, 200 camions chargent le matériel dans le port de Karachi, dans le sud du pays. Puis, ils prennent la direction de l'Afghanistan.

En réalité, le ravitaillement n'arrive pas toujours.

Un commerçant de Kharkhana raconte: «Quand les conteneurs sont déchargés à Karachi par bateau, des employés du port les ouvrent et négocient la vente auprès des mafias. S'il y a de l'eau ou du papier hygiénique, ça ne vaut rien. En revanche, s'il y a des ordinateurs, des générateurs ou de l'alcool, le conteneur est cédé pour plusieurs milliers de dollars.» Le camion est pillé sur la route, avec la complicité du chauffeur qui touche un pot-de-vin. Enfin, la marchandise est revendue à des commerçants comme ceux de Kharkhana.

Assis derrière une pile de cartons sur laquelle trône une console de jeux vidéo, un marchand aux lunettes noires, aux cheveux peignés et au visage rasé admet que sa marchandise provient des conteneurs. «Les poignards, les vestes militaires et les montres se vendent très bien. Ici, les vendettas sont courantes et les gens sont armés. Ils ont besoin de ces équipements de bonne qualité.»

Policiers et soldats comme clients!

Même les policiers et les soldats se fournissent là. «Parfois, des paramilitaires des Frontier Corps arrivent en voiture officielle alors que ce commerce est illégal», s'amuse un marchand. Les prix sont imbattables. Un poignard en cobalt et acier inoxydable ne coûte que 25$, une lunette de fusil, 47$, une paire de chaussures militaires, entre 22 et 38$... Suspendus à des cintres, blousons et vestes beiges, vert foncé ou bleu marine sont vendus pour moins de 9$.

En octobre, la police de Peshawar a lancé deux raids contre des entrepôts clandestins, saisissant des pièces détachées d'hélicoptères, des médailles militaires, des générateurs, des masques à gaz... À Kharkhana, l'offre devient limitée. On ne compte que six commerces, disposés en carré autour d'une mosquée. Mais le client trouve encore de belles pièces: perceuses, jumelles, lampes de poche...

«Nous n'avons jamais demandé à la police de lutter contre ce trafic. Nous nous concentrons sur la lutte antiterroriste», reconnaît l'ambassade des États-Unis à Islamabad, qui précise que les entreprises de transport ne sont payées qu'à la livraison. Le bazar de l'OTAN a encore de l'avenir.