Le prix Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo pourrait passer à la postérité comme «l'un des plus importants» jamais attribué par le comité Nobel, a estimé jeudi un haut responsable du comité, Geir Lundestad.

En plus d'un siècle d'histoire Nobel, l'édition 2010 risque aussi de rester dans les mémoires comme celle où, pour la première fois, le prix n'a pu être remis au lauréat ou à l'un de ses représentants en raison de l'intransigeance du régime chinois, a aussi relevé l'influent secrétaire du comité Nobel.

«Cela s'avérera être peut-être l'un des prix les plus importants de l'Histoire du comité Nobel», a déclaré M. Lundestad lors d'un entretien accordé à l'AFP dans les murs de l'Institut Nobel d'Oslo.

«Ce prix est à bien des égards un 'classique' qui s'incrit dans notre tradition de consacrer des dissidents», a-t-il expliqué.

Sur les murs de l'Institut figurent les portraits d'opposants éminents tels que l'antinazi allemand Carl von Ossietzky récompensé en 1935, le dissident soviétique Andreï Sakharov (1975), le Polonais Lech Walesa (1983) ou encore  les militants anti-apartheid Desmond Tutu et Nelson Mandela (1984 et 1993).

«Le comité Nobel s'est attaqué à la situation dans l'Allemagne nazie, en URSS, en Afrique du Sud, en Birmanie, en Iran. Il ne pouvait pas faire une exception pour la Chine», a ajouté M. Lundestad.

Le Nobel de la paix 2010 a été attribué le 8 octobre à Liu Xiaobo, condamné à 11 ans de prison dans son pays pour «subversion du pouvoir de l'État» après avoir cosigné la «Charte 08» qui réclame une Chine démocratique.

Ce choix a ulcéré le régime chinois qui considère l'opposant comme un «criminel».

Avec Liu Xiaobo toujours en prison, son épouse Liu Xia en résidence surveillée et ses deux frères incertains de pouvoir quitter la Chine, le comité Nobel n'est pas sûr de pouvoir remettre le prix le 10 décembre, date traditionnelle de la cérémonie.

Celle-ci sera néanmoins maintenue, selon M. Lundestad.

Faute de récipiendaire, «c'est bien possible que nous ne remettions pas la médaille et le diplôme Nobel ce jour-là», a-t-il dit, précisant que le comité devrait alors attendre une autre occasion.

«Ce serait alors la première fois que le prix n'est (physiquement) remis à personne» alors qu'il a été attribué, a-t-il souligné.

Interné dans un camp de concentration nazi, Carl von Ossietzky n'avait pu faire le voyage d'Oslo il y a 75 ans mais, dans des conditions douteuses, un avocat allemand avait empoché le chèque Nobel à sa place.

Lech Walesa, qui redoutait de ne pouvoir rentrer en Pologne, et Andreï Sakharov, que les autorités soviétiques n'avaient pas autorisé à se rendre en Norvège, s'étaient fait représenter par leurs épouses respectives.

En 1991, le prix attribué à la militante des droits de l'Homme birmane Aung San Suu Kyi, alors privée de liberté - comme aujourd'hui -, avait été remis à ses deux fils.