La Chine se lance lundi dans son recensement décennal, une opération d'ampleur exceptionnelle parfois mal reçue par les Chinois, dont des millions sont en infraction au regard des règles strictes de contrôle de la population.

Pays le plus peuplé du monde, la Chine comptait plus d'1,33 milliard de citoyens fin 2009.

Le précédent grand recensement, en 2000, s'était conclu sur un nombre de 1,26 milliard de Chinois, soit plus du double des 594 millions de personnes comptabilisées dans le premier recensement national, en 1953.

Pour cette édition, dont les résultats complets seront annoncés fin 2011, jusqu'à six millions de fonctionnaires seront mobilisés pour se déplacer dans les foyers et recueillir les précieux renseignements sur la société chinoise, de plus en plus âgée et de plus en plus urbaine.

De nombreux Chinois pourraient toutefois tenter d'échapper au recensement, du fait de leur situation illégale.

Il s'agit notamment des 230 millions de Chinois dits «migrants», partis de leurs campagnes pour travailler en ville où, souvent dépourvus de statut légal, ils sont devenus des citoyens de seconde zone.

Faute du permis de résidence officielle dans leurs villes d'adoption, ils n'ont droit à aucun avantage social, sont privés d'école gratuite pour leurs enfants, tout en étant souvent exploités par leurs employeurs.

«La plus grosse difficulté va être d'enregistrer la population migrante, qui augmente de façon rapide en raison de l'accélération de l'urbanisation», a reconnu Feng Nailin, responsable chargé de la population au Bureau national des statistiques.

Tan Jianguo, un ancien paysan originaire de la province du Hebei (nord), en est un exemple: il ne possède pas de permis pour résider à Pékin, où il travaille et vit avec sa femme depuis dix ans.

«Cela va être difficile d'échapper eux employés du recensement quand ils passeront», a-t-il confié à l'AFP. «Je peux soit rester ici et donner des informations sur ma situation ou je peux rentrer chez moi avec ma famille et être enregistré là-bas (...) ou nous pouvons encore nous cacher».

Les familles en infraction vis-à-vis de la politique draconienne de l'enfant unique représentent une autre source d'erreur pour le recensement.

De nombreux couples ont caché aux autorités l'existence d'un second voire d'un troisième enfant et pourraient continuer à dissimuler leur situation, par crainte de la répression exercée par les autorités.

Afin d'encourager les parents à indiquer le nombre réel de leurs enfants, Pékin a demandé aux responsables locaux d'aménager les amendes infligées aux couples en infraction.

«Les familles en difficultés financières seront autorisées à payer leurs amendes en plusieurs fois», a dit M. Feng.

Malgré les difficultés prévues, le gouvernement affirme pouvoir maintenir le recensement dans une marge d'erreur de 2%.

Le recensement 2010/2011 devrait permettre de tirer des précieuses statistiques sur des questions de société cruciales en Chine, et notamment l'exode des campagnes vers les villes.

Il permettra aussi d'en savoir plus sur le déséquilibre des sexes: il y a aujourd'hui 119 bébés garçons pour 100 bébés de sexe féminin, selon la Commission du planning familial.

Les foyers ruraux tendent à privilégier un enfant de sexe masculin, pour des raisons ancestrales et pour le soutien de la famille, ce qui entraîne des avortements sélectifs (favorisés par les échographies) et des meurtres en série de petites filles.

Enfin, le recensement fournira des données sur le taux de vieillissement accéléré en Chine, inquiétant en raison de l'insuffisance des infrastructures de santé et de la forte proportion de personnes âgées ne bénéficiant pas d'une retraite.