La justice birmane a examiné vendredi un ultime recours de la dissidente Aung San Suu Kyi contre son assignation à résidence, alors que les appels à sa libération se multiplient, à dix jours des premières élections depuis 20 ans.

Les avocats de Mme Suu Kyi, qui n'était pas présente, ont présenté leurs arguments lors d'une audience de la Cour suprême d'environ deux heures et demi dans la capitale Naypyidaw, selon un responsable birman.

«Il n'y a pas de jugement pour l'instant. Nous devons attendre le verdict et j'espère que ce ne sera pas long. Nous espérons le meilleur», a indiqué à l'AFP par téléphone l'un de ses avocats, Nyan Win.

Les deux précédents appels avaient été rejetés, dont le dernier par la Cour suprême en février.

Mercredi, lors d'un dîner avec ses homologues de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean) à Hanoï, le ministre birman des Affaires étrangères avait indiqué, pour la première fois de façon officielle, que la lauréate du prix Nobel de la paix serait peut-être libérée après les élections du 7 novembre.

Une décision qui en théorie ne pèse pas sur la décision des juges. La condamnation de la lauréate du prix Nobel de la paix expire en effet en principe le 13 novembre et ses avocats espèrent la voir alors libérée. Leur combat, vendredi, était d'abord juridique avec pour objectif de l'innocenter complètement, ont-ils expliqué.

La «Dame» de Rangoun a été condamnée en août 2009 à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence pour avoir brièvement hébergé un Américain qui avait réussi à nager jusqu'à son domicile, situé sur les rives d'un lac.

La dissidente a ainsi été écartée de ce scrutin. Elle a été privée de liberté sans interruption depuis 2003, et pendant plus de 15 des 21 dernières années.

Quant à son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), qui avait remporté les dernières élections de 1990 sans jamais être autorisé à exercer le pouvoir, il n'y participera pas non plus. La ligue a été dissoute par la junte pour avoir décidé de boycotter le scrutin.

Malgré ces restrictions, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, à Hanoï pour le sommet de l'Asean, a estimé vendredi que la junte pouvait encore montrer sa bonne volonté.

«L'Asean et les Nations unies s'accordent sur le besoin d'une transition crédible et démocratique, et d'une réconciliation nationale en Birmanie (...) Il n'est pas trop tard, encore maintenant», a-t-il déclaré.

Malgré la sacro-sainte règle de non ingérence dans les affaires de ses membres, certains pays du bloc régional, dont l'Indonésie et les Philippines, ont exprimé leur scepticisme concernant les déclarations du chef de la diplomatie birmane.

Le secrétaire philippin aux Affaires étrangères Alberto Romulo a ainsi accusé la junte d'avoir dans le passé plusieurs fois relâché la dissidente avant de l'emprisonner à nouveau sur de la base de nouveaux chefs d'accusation.

Washington a de son côté qualifié de «lâche manipulation» l'évocation par la junte de la libération de Mme Suu Kyi.

Et la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, qui doit rejoindre les leaders asiatiques dans la soirée de vendredi, a réclamé une enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme dans le pays.

C'est le soutien le plus explicite à ce jour des États-Unis à la proposition faite en ce sens par le rapporteur spécial de l'ONU pour la Birmanie, Tomas Quintana.