Trois mois après la démission du premier ministre, le Népal n'a toujours pas de gouvernement et la crise économique s'aggrave dans ce pays, l'un des plus pauvres du monde, avec des services publics paralysés et des projets de développement reportés sine die.

En l'absence d'un vote sur le budget, les ministères ont dû ramener leurs dépenses au strict minimum, suspendre les constructions de routes et les projets sanitaires dans les régions les plus reculées et les plus pauvres.

De même, le processus de paix engagé depuis la fin de la guerre civile en 2006 n'avance pas, notent les analystes.

Depuis début juillet, les députés ont échoué neuf fois à élire un nouveau premier ministre.

Les maoïstes, qui ont mené contre l'État une sanglante guerre civile de dix ans avant de créer un parti politique et d'arriver brièvement au pouvoir en 2008, détiennent le plus grand nombre de sièges au Parlement, mais pas assez pour gouverner seuls. La conduite du pays est assurée par un gouvernement intérimaire aux pouvoirs très limités.

Selon les responsables au sein des ministères, les fonds rendus disponibles par une loi votée en urgence après la démission du premier ministre vont bientôt s'épuiser.

«Après ça, nous ne pourrons même pas payer les fonctionnaires», déclare à l'AFP le secrétaire aux Finances, Rameshore Prasad Khanal. «Nous devrons sans doute stopper encore plus de projets de développement, et même des services publics».

Selon Robert Piper, le coordonnateur de l'ONU au Népal, la crise actuelle aura des conséquences profondes pour le développement de l'un des pays les plus pauvres de la planète: «Des politiques et des projets en suspens, des fonctionnaires dans l'incertitude, un budget en pleine confusion et un embouteillage de lois sont des handicaps qu'un pays comme le Népal ne peut vraiment pas se permettre».

Il regrette également que le feuilleton politique empêche les dirigeants de se concentrer sur les véritables difficultés du pays: veiller à ce que la loi soit respectée, réduire les inégalités, restructurer l'État...

Quatre ans après l'accord de paix, le respect de la loi et la sécurité sont loin d'être assurés dans plusieurs régions rurales du pays.

La croissance économique, déjà freinée par des années de guerre et d'instabilité politique, reste faible. Elle est estimée à 3,5% pour 2010 par la Banque mondiale, malgré une base de comparaison très faible.

Beaucoup de foyers dépendent pour leur survie de l'argent envoyé par des membres de la famille partis à l'étranger.

«Beaucoup veulent juste ficher le camp d'ici», remarque le journaliste Kunda Dixit, montrant du doigt les files interminables qui se forment devant le bureau délivrant les passeports.

Le blocage au niveau politique a en outre retardé l'élaboration d'une nouvelle constitution destinée à tourner la page de dix années de conflit et à dessiner une nouvelle nation après l'abolition en 2008 d'une monarchie impopulaire.

L'optimisme apparu après la fin de la guerre laisse à présent la place à un cynisme croissant de la population concernant le système politique du pays, selon le commentateur politique Yubaraj Ghimire.

«L'échec du Parlement à élire un nouveau dirigeant depuis trois mois discrédite totalement notre système politique aux yeux du public», déclare-t-il. «Le gouvernement provisoire n'a rien fait à part mettre en oeuvre des coupes massives dans les dépenses publiques. Il se contente désormais de payer des salaires aux bureaucrates».