L'opposition birmane a réussi à se mettre en ordre de bataille pour les prochaines élections législatives, en fin d'année, mais les analystes doutent de sa capacité à émerger comme une véritable force politique sans la figure de l'opposante Aung San Suu Kyi.

La Force démocratique nationale (NDF) a obtenu vendredi l'autorisation de se présenter au scrutin, le premier depuis 20 ans.

Mais ses fondateurs, des transfuges de la défunte Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi, vont devoir se construire une identité et une légitimité sans le soutien de la lauréate du prix Nobel de la paix.

Et si le généralissime Than Shwe, homme fort de la junte, et certains de ses plus proches collaborateurs semblent décidés à passer la main peu à peu, il faudra «des années» pour que les militaires relâchent leur étreinte sur le pouvoir, estime l'ancien ambassadeur australien Trevor Wilson.

Le premier ministre Thein Sein et plusieurs ministres ont récemment démissionné de l'armée et fondé un parti. Mais l'absence d'uniformes ne convainc pas.

«J'entends depuis des années qu'il s'agit d'un gouvernement temporaire», explique Trevor Wilson. «Aujourd'hui, il semble qu'ils veuillent confier le pouvoir à des gens qui leur ressemblent affreusement, mais qui sont justes habillés différemment».

Le diplomate avoue n'être «pas très optimiste sur les partis non-gouvernementaux», NDF incluse, espérant au mieux la constitution d'une fragile coalition d'opposition.

Près de 40 partis ont déjà été enregistrés pour le scrutin, attendu en octobre ou novembre. Certains d'entre eux ont salué la création de la NDF, notamment le Parti démocrate, dont le secrétaire général est Than Than Nu, fille du premier chef de gouvernement birman, U Nu.

Mais la disparition de la LND est lourde à digérer. Le parti a été dissous après avoir boycotté le scrutin, pour ne pas avoir à exclure de ses instances sa fondatrice et icône Aung San Suu Kyi, qui purge une peine de résidence surveillée.

Ce choix, soutenu semble-t-il par Mme Suu Kyi elle-même, a été contesté par une partie des cadres de la LND, dont certains ont fondé la NDF et appellent les Birmans à aller voter en masse, même si le scrutin est dépourvu de crédibilité aux yeux de la communauté internationale.

Le souvenir d'une opposition birmane unie autour de la dissidente a donc bien vécu. Signe d'une tension réelle, des cadres de la LND ont même récemment accusés la NDF de copier son symbole, le chapeau de bambou.

Selon Aung Naing Oo, analyste birman en exil en Thaïlande, d'ex-cadres de la LND tentent publiquement de discréditer la NDF, qualifiée d'«antidémocratique».

Mais celle-ci minimise ces tensions. «Beaucoup de leaders de la LND pourraient croire en notre politique, nous avons travaillé ensemble pendant 20 ans. Ils seront toujours les bienvenus», a indiqué samedi à l'AFP Dr. Than Nyein, président du nouveau parti. «Les gens doivent regarder cette élection comme une façon possible de changer les choses».

Aung Naing Oo partage cette idée que le scrutin ouvrira la voie, à terme, «à une forme de participation civile dans la politique».

Mais bien peu pensent que la NDF recréera la surprise de 1990, lorsque la LND avait remporté les élections, ridiculisant la junte deux ans après sa création suite à la répression des manifestations de 1988.

La LND a «laissé un grand vide», regrette Trevor Wilson. «Ils étaient les seuls à représenter un défi majeur pour les militaires».