Des milliers de Tibétains ont fêté mardi les 75 ans de leur leader spirituel en exil, le dalaï-lama, ultime rempart contre la politique de la Chine au Tibet, mais dont l'âge et la santé précaire posent avec une acuité croissante la question de sa succession.

C'est sous une pluie battante que le dignitaire bouddhiste s'est adressé à une foule de quelque 5 000 fidèles dans son temple de McLeod Ganj, au-dessus de la bourgade de Dharamsala, accrochée aux contreforts de l'Himalaya (nord de l'Inde).

Sans se départir de son éternel sourire, le dignitaire a pris place au centre d'une scène devant un parterre d'adultes et d'écoliers, ainsi que de touristes étrangers.

«Lorsque je regarde ces photos et que je constate le chemin parcouru, j'ai la certitude que mon existence n'a pas été vaine», a-t-il lancé, en regardant des portraits de lui à différentes époques.

Dans un bref discours, il a déploré que les Tibétains du Tibet ne soient pas autorisés à célébrer son anniversaire à cause de l'oppression chinoise.

Interrogé à Pékin par la presse sur cet anniversaire, Qin Gang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a répondu: «Il n'y a que deux dates dont je me souvienne, la première est le 28 mars 1951, le jour de la libération pacifique du Tibet, la deuxième est le 23 mai 1959, le jour où le Tibet a appliqué les réformes démocratiques et où un million de serfs tibétains ont été libérés».

Adulé par son peuple, icône en Occident, le dalaï lama, qui a fui le Tibet en 1959 à la suite d'un soulèvement anti-chinois, est abhorré par Pékin qui voit en lui un dangereux séparatiste.

Pour autant, le lauréat du prix Nobel de la paix en 1989, apôtre de la non-violence, défend une stratégie conciliante face à la Chine, une «voie moyenne» qui prône une simple «autonomie culturelle».

Soulignant que son apprentissage du bouddhisme lui avait permis de trouver le bonheur dans l'adversité, il a appelé son auditoire à faire preuve de compassion en achevant son allocution par quelques conseils pragmatiques.

«Attention au temps. N'attrapez pas froid», a dit le dirigeant religieux.

Reçu par les chefs d'État et les vedettes du monde entier - au grand dam de Pékin-, l'homme à la tunique safran et au rire communicatif continue d'incarner les espoirs de six millions de Tibétains.

Et malgré l'échec patent de sa stratégie face à la Chine, il s'est imposé comme un fin diplomate, inlassable voyageur et représentant de la cause tibétaine, malgré son âge et de récents problèmes de santé.

Il a été brièvement hospitalisé en 2009 pour un nerf du bras coincé. Il avait été opéré en octobre 2008 à New Delhi de la vésicule biliaire.

«Lorsque sa Sainteté ne sera plus parmi nous, cela sera totalement différent», a déclaré à l'AFP Tsewang Rigzin, président du Congrès de la jeunesse tibétaine, porte-drapeau de la jeune garde indépendantiste qui juge la génération du dalaï lama trop conciliante à l'égard de la Chine.

«Nous devons nous préparer pour ce jour et cela signifie qu'il faut avoir un gouvernement en exil fort et un bon système d'éducation pour la jeune génération», a-t-il dit.

De son côté, le premier ministre du gouvernement tibétain en exil, Samdhong Rinpoche a exhorté le dalaï lama à ménager ses forces.

La Chine a récemment indiqué qu'elle ferait preuve de fermeté dans le choix du successeur.

Traditionnellement, la recherche du guide spirituel est menée par les lamas les plus hauts placés dans la hiérarchie mais le régime communiste chinois se réserve le droit d'intervenir, citant un précédent historique sous l'empire.