Pour la quatrième journée, les violences interethniques se sont poursuivies hier dans le sud du Kirghizistan. Le bilan provisoire de 138 morts et de 1761 blessés serait largement sous-estimé. La Russie et ses alliés ex-soviétiques ayant exclu une fois de plus hier l'envoi rapide d'une force de maintien de la paix, rien ne semble pouvoir arrêter les violences à court terme.

Hier, les réfugiés d'ethnie ouzbèke ont continué d'affluer du Kirghizistan vers les camps de réfugiés installés en Ouzbékistan voisin. Tellement qu'en fin de soirée, les autorités ouzbèkes débordées ont fermé la frontière et lancé un appel à l'aide internationale.

En quatre jours, ils sont plus de 100 000 (45 000 adultes et leurs enfants) à avoir traversé la frontière kirghizo-ouzbèke.

À Och et à Djalal-Abad, deuxième et troisième villes en importance au pays, la situation restait très tendue hier. L'agence kirghize AKIpress a rapporté qu'à Djalal-Abad, un «groupe de jeunes gens armés portant des brassards avec le slogan «S'il y a des Ouzbeks, on va leur tirer dessus»» sillonnait la ville.

Plusieurs Kirghizes auraient aussi inscrit leur appartenance ethnique à la peinture sur leur voiture afin d'éviter d'être la cible de tirs.

Selon des témoignages qu'a recueillis l'AFP, des réfugiés d'ethnie ouzbèke accusent l'armée kirghize régulière, théoriquement sous l'autorité du gouvernement provisoire, d'ouvrir la voie aux bandes armées kirghizes pour qu'elles commettent un «génocide planifié» contre la minorité ouzbèke du pays.

Mais la maîtrise de la situation par le gouvernement est limitée. Tout comme la maîtrise de l'armée par les politiciens à la tête du pays. La présidente intérimaire, Rosa Otounbaïeva, a reconnu dès le début de la crise l'impuissance de son gouvernement devant le risque de guerre civile.

Selon plusieurs analystes, son prédécesseur déchu, Kourmanbek Bakiev, aurait mis le feu aux tensions ethniques latentes dans le Sud, où il dispose toujours d'appuis importants et armés, dans l'espoir de regagner le contrôle d'une partie du pays. L'ex-président, en exil en Biélorussie, nie cette allégation.

Refus russe

Sans hésitation, Rosa Otounbaïeva a réclamé dès le début de la crise l'ingérence de Moscou, arbitre naturel des conflits dans la plupart des ex-républiques soviétiques.

Mais le président russe, Dmitri Medvedev, n'a pas eu le même empressement à intervenir dans ce conflit, «interne» selon lui, que lors de la guerre dans la république séparatiste géorgienne d'Ossétie du Sud, en août 2008. C'est qu'au Kirghizistan, les intérêts russes ne sont pas contestés.

Pour la plupart des observateurs, la seule option pour faire cesser rapidement les violences interethniques serait l'envoi d'une force de maintien de la paix russe ou de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui regroupe sept ex-républiques soviétiques.

Or, en réunion d'urgence hier à Moscou, les secrétaires des pays membres ont rejeté l'idée d'un déploiement rapide de leurs soldats dans le sud du Kirghizistan, indiquant que cette mesure devrait être bien «réfléchie» avant d'être prise.