Les deux Corées ont franchi une nouvelle étape dans leur affrontement, hier. Elles ont coupé toute communication et pratiquement tous les échanges commerciaux, et chacune a fermé son espace aérien ainsi que ses voies maritimes aux avions et bateaux de l'autre. Le Nord a fermé unilatéralement le bureau de la Croix-Rouge à la frontière, et le Sud a demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de sévir contre son voisin.

La Corée du Nord a continué de nier qu'elle avait torpillé une vedette sud-coréenne le 26 mars dernier, comme l'a conclu une enquête des autorités militaires sud-coréennes la semaine dernière. Séoul a déclaré que Pyongyang est son «principal ennemi», expression qui n'avait pas été utilisée depuis 2004.

 

Le dictateur nord-coréen, Kim Jong-il, a diffusé par interphone dans tous les édifices du pays un discours dans lequel il a décrété un état de «guerre totale», selon l'Associated Press. La Corée du Sud a quant à elle annoncé qu'elle installerait des douzaines de haut-parleurs le long de la ligne démilitarisée qui marque la frontière afin d'appeler les soldats nord-coréens à la défection.

«Il y a eu par le passé des situations aussi tendues, a expliqué Joseph Bermudez, expert de la Corée du Nord, au magazine Jane's. Le problème, en ce moment, c'est qu'une nouvelle génération d'officiers prend le pouvoir en Corée du Nord. Ils ont beaucoup moins d'expérience internationale que la vieille garde.»

Dimanche, le New York Times a écrit que Kim Jong-il avait certainement autorisé l'attaque à la torpille du mois de mars parce qu'il a salué personnellement l'unité navale responsable de l'attaque lors de l'anniversaire de la fondation de l'Armée populaire, le 25 avril.

Le royaume ermite est engagé dans une transition politique délicate. Le troisième fils de Kim Jong-il, Kim Jong-un, a été officiellement désigné comme son successeur, avec le tutorat non officiel de l'un de ses oncles. «Il est très difficile de comprendre quel rôle joue l'attaque de mars dans la succession, mais elle en a certainement un», dit M. Bermudez.

Sanctions

En temps normal, les sanctions économiques auraient un impact limité sur la Corée du Nord, selon Jack Pritchard, président de l'Institut économique coréen à Washington. «Le commerce bilatéral vaut 1,1 milliard, soit 10 fois moins qu'avec la Chine, dit M. Pritchard. Mais il est certain que dans la situation actuelle, tout tour de vis supplémentaire fait très mal.»

Par ailleurs, la Corée du Nord a fait savoir qu'elle expulserait le personnel sud-coréen travaillant dans la zone industrielle commune de Kaesong (située en Corée du Nord, mais financée par Séoul), selon l'AFP. Toutefois, la mesure ne concernerait que huit officiels sud-coréens résidant dans le complexe de Kaesong, et non les civils, selon Séoul. Entre 400 et 900 Sud-Coréens travaillent à Kaesong.

La Chine hésite d'ailleurs à imposer des sanctions, selon M. Pritchard. «Les Chinois ne croient plus la Corée du Nord quand elle nie l'évidence. Mais s'il y a déstabilisation du pays, l'Est chinois pourrait être entraîné dans le tourbillon. Les gardes-frontières ont d'ailleurs été remplacés par des soldats de l'armée active.»

Pour compliquer le tout, la Chine veut installer un port au nord de la Corée du Nord, tout près de la Russie, ce qui lui donnerait un accès direct au Pacifique.

Quelle autre mesure pourrait prendre la Corée du Sud? «Pas grand-chose, dit M. Bermudez. Séoul est trop proche des canons du Nord. Il va falloir resserrer l'entraînement des équipages à la lutte sous-marine, augmenter le nombre d'unités en mer de Chine. Ils jouent au chat et à la souris.»

Notre journaliste Mathieu Perreault s'est rendu en Corée en 2001.

 

Corée du nord

3500 CHARS D'ASSAUT

Principalement des modèles soviétiques T54 et T55, qui datent des années 40 et 50

10 400 PIÈCES D'ARTILLERIE

Dont 8000 peuvent atteindre Séoul

620 AVIONS DE COMBAT

Avec une prépondérance de MiG-17, MiG-19 et MiG-21, datant des années 50 et 60

1,1 MILLION

Nombre de soldats

420 NAVIRES DE GUERRE

Dont 40 sont assez modernes pour être équipés de missiles

25

SOUS-MARINS

Corée du Sud

4780 PIÈCES D'ARTILLERIE

555 AVIONS DE COMBAT

Dont une prépondérance de F16, supérieurs aux meilleurs avions nord-coréens (leurs 30 MiG-29)

160 NAVIRES DE GUERRE

Pouvant tous porter des missiles

20

SOUS-MARINS