L'université de Delhi, déjà accusée d'avoir jeté aux ordures du matériel radioactif ayant provoqué cette semaine la mort d'un ouvrier, était sur la sellette vendredi après les déclarations d'un enseignant affirmant que 20 kg de déchets nucléaires y sont toujours enterrés.

Cette affaire met en lumière l'absence d'information et de transparence en matière de déchets dans un pays qui s'apprête à investir des milliards dans l'énergie nucléaire, selon les observateurs.

Le Comité indien de régulation de l'énergie atomique (AERB) a annoncé vendredi avoir suspendu la licence permettant à la faculté de manipuler des produits toxiques dans son laboratoire de chimie.

«Les universitaires et les étudiants ne peuvent utiliser le laboratoire tant que nous ne leur en donnons pas la permission», a déclaré à l'AFP Ompal Singh, le secrétaire de l'AERB, ajoutant que l'organisme allait enquêter sur les révélations mettant en cause la gestion des déchets de l'université.

Une «action stricte» sera prise si des déchets toxiques sont retrouvés sur le campus qui compte 300 000 étudiants, a-t-il prévenu, sans plus de détails.

Selon Ramesh Chandra, professeur au département de chimie, cité par le quotidien Times of India, ses confrères de la faculté de physique ont enterré il y a vingt ans des déchets radioactifs après avoir utilisé des produits dangereux pour des expériences.

«Même si cela remonte à vingt ans, les atomes enterrés de ces substances, comme l'uranium, pourraient toujours être actifs», s'alarme-t-il.

Contactée par l'AFP, l'université n'a fait aucun commentaire et le Pr Chandra n'était pas disponible dans l'immédiat.

Ravi Agarwal, directeur de l'ONG environnementale «Toxics Link», a dénoncé des actes de pure négligence: «il est difficile de croire que des professeurs d'une université certifiée n'aient pas été au courant de la dangerosité des produits», a-t-il commenté auprès de l'AFP.

L'université de Delhi est en outre déjà mise en cause dans une enquête sur des déchets radioactifs découverts voici deux semaines sur un chantier de recyclage des métaux usés à New Delhi.

La police a révélé jeudi qu'une machine contenant des déchets toxiques et cédée par le laboratoire de chimie à différents revendeurs de métaux était responsable de la mort d'un ouvrier de 35 ans lundi.

La faculté avait importé en 1980 cet appareil utilisant une source émettrice de rayonnement gamma mais elle avait cessé de l'utiliser en 1985. Elle s'en est débarrassé en février.

Les revendeurs ont démonté la machine et au cours de leur opération, ils ont enlevé le revêtement en plomb, s'exposant à une radiation, selon la police.

L'affaire a débuté mi-avril par l'hospitalisation de sept personnes travaillant sur le chantier qui présentaient des symptômes d'exposition à des radiations. Les six autres personnes sont toujours hospitalisées.

Dans 15 échoppes situées sur le site, des experts du Centre de recherche atomique Bhabha (BARC) ont découvert du cobalt 60, un élément chimique utilisé en médecine pour la radiothérapie et dans l'industrie où ses rayons servent à stériliser du matériel.

Pour M. Agarwal, cette affaire souligne «le manque d'infrastructures pour l'élimination des déchets radioactifs» en Inde. «Nous avons besoin d'une plus grande transparence et d'une information du public, d'autant que l'Inde s'apprête à augmenter le nombre de ses réacteurs nucléaires», a-t-il ajouté.

L'Inde voudrait porter la part du nucléaire dans la production d'électricité à 25% à l'horizon 2050, contre 3% actuellement.