Au moins trois personnes ont été tuées et 70 blessées jeudi soir près du quartier financier de Bangkok, dans une série d'attaques à la grenade survenue alors que deux groupes de manifestants antagonistes se faisaient face.

Selon le vice-premier ministre Suthep Thaugsuban, les grenades ont été tirées depuis la zone contrôlée par les «chemises rouges», les manifestants antigouvernementaux.

«Les M79 (modèle de lance-grenade) ont une portée d'environ 400 mètres et il est clair qu'elles ont été tirées de (...) l'endroit où les chemises rouges manifestent», a-t-il déclaré à la télévision, à l'issue d'une réunion extraordinaire de sécurité convoquée par le premier ministre.

Le porte-parole de l'armée, le colonel Sunsern Kaewkumnerd, a précisé que «cinq M79 ont explosé dans trois endroits différents». Selon une source diplomatique, un Japonais et un Australien ont été blessés.

Peu avant les explosions, des «sans couleurs», les manifestants qui soutiennent le gouvernement, faisaient face aux «chemises rouges», qui exigent sa démission depuis la mi-mars et contrôlent cet important quartier touristique et commercial de la ville.

Deux premières explosions ont retenti à quelques centaines de mètres derrière les «sans couleurs» peu avant 20H30 (13H30 GMT).

«L'armée est intervenue pour faire passer une ambulance. Un étranger a été sorti de derrière une petite rue, sur un brancard», a constaté un photographe de l'AFP.

Une journaliste de l'agence a ensuite fait état d'une troisième forte explosion : «Des centaines de +sans couleur+ agitaient des drapeaux et semblaient de bonne humeur quand l'explosion a retenti. Un homme est tombé dans la rue, deux autres sur le trottoir».

Une heure et demi après la première déflagration, des enquêteurs parcouraient la zone avec des torches à la recherche d'indices. La tension semblait retombée, la plupart des «sans couleurs» ayant quitté les lieux, laissant de nouveau face à face militaires en armes et «chemises rouges».

Des hélicoptères quadrillaient le ciel de Bangkok. Interrogé sur une possible opération dès jeudi soir pour disperser les «rouges», le colonel Sunsern a répondu «C'est impossible, une opération de nuit est dangereuse».

Avant les attaques à la grenade, l'armée avait laissé entendre qu'une intervention musclée était imminente pour disperser les manifestants antigouvernementaux. Mais son chef, Anupong Paojinda, avait ensuite répété vouloir éviter le bain de sang.

Depuis lundi, les «rouges» font en effet face à des soldats armés de fusils d'assaut qui ont pris position pour les empêcher d'étendre leur territoire. Mais ils étaient aussi rejoints chaque soir par des centaines de manifestants pro-gouvernement avec lesquels ils échangeaient insultes, jets de pierres et de bouteilles.

Le pays redoutait un nouveau carnage après la tentative ratée des militaires, le 10 avril, de déloger les manifestants d'un quartier de la vieille ville, qui avait fait 25 morts et plus de 800 blessés.

La crise pourrait même gagner la province, où un millier de manifestants ont bloqué pendant 24 heures un train transportant des soldats et du matériel dans la gare de Khon Kaen (nord-est), un bastion des «rouges».

Après avoir demandé lundi audience au roi Bhumibol, 82 ans, figure très respectée, hospitalisé depuis septembre, l'opposition a déclaré qu'elle demanderait l'intervention d'«une force de maintien de la paix» de l'ONU.

Les États-Unis ont à nouveau appelé à une résolution «pacifique» de la crise, avant que la France réclame à son tour le dialogue.