Les tensions étaient vives jeudi au sud du Kirghizistan où des tirs ont retenti lorsque le président déchu a voulu s'adresser à ses partisans, alors que l'impasse politique se prolonge dans ce pays stratégique d'Asie centrale une semaine après une révolte sanglante.

Les tirs à l'arme automatique ont éclaté, créant un mouvement de panique, alors que le président déchu Kourmanbek Bakiev s'apprêtait à s'adresser à quelque 2 000 partisans, qu'il avait réunis à Och (sud), à environ 500 mètres d'un rassemblement de 3000 partisans du gouvernement intérimaire.

Selon l'agence russe Interfax, ce sont les gardes de M. Bakiev, armés de fusils automatiques, qui ont tiré en l'air. Quelques minutes plus tôt, des échauffourées avaient éclaté entre les partisans du nouveau gouvernement et ceux de l'ancien régime.

Le président déchu a lancé à la foule «Ne courez pas, ne courez pas», mais les manifestants ont tout de même cédé à la panique, fuyant la place en courant et en criant, a constaté un journaliste de l'AFP.

Des témoins ont ensuite vu M. Bakiev monter dans un véhicule tout terrain noir et partir du centre-ville d'Och, accompagné de ses gardes installés dans d'autres voitures.

Quelques dizaines de ses partisans ont ensuite tenté de pénétrer dans le siège de la télévision locale, mais la police les en a empêchés.

«Nous n'avons pas l'intention de recourir à la force, mais nous ne permettrons pas (au président déchu) de plonger le Kirghizistan dans le chaos de la guerre civile», a réagi, devant la presse, Mme Rosa Otounbaïeva, chef du gouvernement par intérim.

M. Bakiev a été renversé la semaine dernière à l'issue d'affrontements sanglants entre forces de l'ordre et manifestants d'opposition, qui ont fait 84 morts dans cette ex-république soviétique où la Russie et les États-Unis disposent chacun d'une base aérienne.

Il s'est réfugié dans sa région natale de Djalal-Abad (sud) où il a rassemblé ces derniers jours des milliers de partisans. Le gouvernement provisoire accuse M. Bakiev d'armer ses partisans pour reprendre le pouvoir.

Les relations entre le sud, fief du président déchu, et le nord du Kirghizistan, où la révolte a eu lieu, sont traditionnellement tendues en raison de rivalités claniques et de disparités économiques.

Moscou et Washington ont pour leur part de facto reconnu le gouvernement intérimaire en rencontrant les nouveaux dirigeants.

Le secrétaire d'État américain adjoint pour l'Asie centrale et méridionale Robert Blake est depuis mercredi à Bichkek, alors que la base aérienne américaine au Kirghizistan est essentielle au déploiement des troupes en Afghanistan.

Il s'est déjà entretenu avec Rosa Otounbaïeva, tandis que l'adjoint de cette dernière, Almazbek Atambaïev, a rencontré à Moscou le premier ministre Vladimir Poutine qui a vertement critiqué M. Bakiev mercredi, l'accusant d'avoir «dilapidé, pillé, détruit» les ressources du pays.

Le porte-parole du chef du gouvernement russe, Dmitri Peskov, a par ailleurs indiqué jeudi que M. Poutine s'était entretenu la veille avec le président déchu, sans révéler le contenu de la conversation.

«Les organisations internationales et les dirigeants des grandes puissances font pression sur» Bakiev pour qu'il démissionne, a indiqué Mme Otounbaïeva.

La Russie a annoncé mercredi qu'elle allait faire au Kirghizistan un don de 20 millions de dollars et lui accorder un crédit préférentiel de 30 millions pour aider ce pays au bord de la faillite.

Le gouvernement provisoire tente d'obtenir la démission du président déchu. Celui-ci exige en échange d'obtenir des garanties de sécurité pour lui et sa famille, mais les autorités intérimaires s'y refusent.