Un nouveau bras de fer opposait dimanche le premier ministre thaïlandais et les manifestants qui réclament sa démission depuis la mi-mars, avec pour enjeu un important quartier touristique et commerçant du centre de Bangkok que le pouvoir veut faire évacuer.

Quelque 60 000 «chemises rouges», partisans de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, ont paralysé samedi un vaste carrefour où sont établis des hôtels de luxe, des bureaux, des centres commerciaux et un célèbre lieu de prière, le sanctuaire d'Erawan.

Ils étaient encore 30 000 dimanche, selon la police, à bloquer la circulation après avoir résisté aux injonctions des forces de l'ordre. Les cadres du mouvement ont réaffirmé qu'ils ne partiraient qu'après avoir obtenu le départ du premier ministre Abhisit Vejjajiva.

«Les juristes préparent une requête à soumettre à la cour» lundi, a indiqué le vice-premier ministre Suthep Thaugsuban.

«Quand nous disposerons d'une décision judiciaire, nous verrons ce que nous pouvons faire (...). Nous éviterons d'utiliser la force pour éviter les affrontements. Mais nous pourrions devoir envoyer les forces de l'ordre» sur place, a-t-il ajouté.

Les manifestants qui refuseraient de quitter les lieux seraient passibles d'un an de prison.

Abhisit a lui aussi qualifié ce rassemblement d'illégal, tout en justifiant une certaine patience. «Certains veulent que le gouvernement emploie des mesures dures, mais nous sommes tous Thaïlandais. Le gouvernement emploiera des méthodes conformes aux normes internationales», a-t-il assuré.

Celui qui dirige depuis décembre 2008 une fragile coalition parlementaire n'a pour autant pas exclu le recours à l'état d'urgence si la situation devait se dégrader.

Le mouvement a été parfaitement pacifique depuis le 14 mars, mais le pouvoir craint des dérapages après ceux d'avril 2009 qui avaient fait deux morts et plus de 120 blessés.

Les «rouges», qui s'appuient notamment sur les paysans du nord et du nord-est de la Thaïlande, accusent Abhisit de servir les élites traditionnelles de Bangkok à leurs dépens et exigent son départ immédiat. Le chef du gouvernement a, de son côté, accepté de négocier des élections anticipées à la fin de l'année, un délai jugé déraisonnable par ses adversaires.

«La police peut nous ordonner de partir, nous resterons pour que nos exigences soient satisfaites», a indiqué dimanche Nattawut Saikuar, un des cadres de l'opposition.

Les «chemises rouges» ont trouvé dans ce quartier un puissant levier de négociation, forçant plusieurs centres commerciaux à fermer leurs portes pendant tout le week-end et entraînant des pertes colossales.

Vendredi déjà, l'industrie touristique avait manifesté pour demander un règlement rapide de la crise. Le secteur, important pourvoyeur en devises étrangères, est au ralenti depuis trois semaines, après avoir été lourdement pénalisé par d'autres manifestations en 2009 et 2008.

Mais politiquement, le conflit ne progresse pas, chaque camp restant sur ses positions après un début de négociations la semaine dernière rapidement avorté.

L'opposition réclame le retour à l'ordre constitutionnel en vigueur avant le coup d'État militaire de 2006 contre Thaksin. L'homme d'affaires vit en exil depuis 2008 pour échapper à une peine de prison pour malversations financières. Depuis le début du mouvement, il s'adresse tous les soirs à ses partisans par vidéo conférence.