La junte birmane s'est octroyé un contrôle absolu sur la commission chargée des élections législatives, dans une loi de nature à renforcer les doutes de la communauté internationale sur la crédibilité du premier scrutin depuis vingt ans.

Le pouvoir militaire a publié mardi dans les médias officiels le contenu de la première des cinq lois promulguées la veille, relatives aux élections promises par la junte pour cette année.

Mais leur date précise reste à déterminer et devrait venir ultérieurement de la toute nouvelle commission électorale. «Les partis politiques auront environ six mois pour faire campagne après la promulgation de la loi électorale», a pronostiqué un responsable birman.

Selon la «Loi sur la commission électorale de l'Union», signée du généralissime Than Shwe, numéro un de la junte, l'organe sera composé de cinq personnes au moins, désignées par le Conseil d'État pour la Paix et le Développement (SPDC, nom officiel de la junte).

Chaque membre devra avoir plus de 50 ans, être «considéré par le SPDC comme une personnalité éminente», avoir «intégrité et expérience», faire preuve de «loyauté envers l'État et ses citoyens» et ne «pas être membre d'un parti politique».

La commission sera chargée de désigner les circonscriptions, compiler les listes d'électeurs et «superviser les partis politiques pour qu'ils agissent conformément à la loi».

Elle pourra par ailleurs «reporter ou annuler l'élection dans des circonscriptions si des élections libres et justes ne peuvent se tenir, suite à une catastrophe naturelle ou à cause des conditions locales de sécurité», selon le texte.

La junte conserve ainsi, sans surprise, le contrôle total des opérations vingt ans après les élections de 1990, au cours desquelles la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi avait triomphé.

Refusant d'abandonner le pouvoir à sa pire ennemie, la junte avait refusé de reconnaître les résultats et a, depuis, privé de liberté la prix Nobel de la paix pendant plus de 14 ans.

La dissidente a vu récemment sa dernière assignation à résidence confirmée par la justice et n'est libérable au plus tôt qu'en novembre, sans doute après les élections.

La constitution de 2008, approuvée juste après le passage du dévastateur cyclone Nargis (138 000 morts ou disparus) l'exclut de toutes façons de cette élection en écartant toute personne mariée à un étranger. L'époux de Mme Suu Kyi, le Britannique Michael Aris, est décédé en 1999.

Autant de conditions qui ne laissent guère de doutes sur l'issue de la consultation. «C'est évidemment de mauvais augure pour la crédibilité des élections», a estimé Debbie Stothard, militante pro-démocratie à Bangkok. «C'est une élection organisée par le régime, pour le régime».

Certains analystes se voulaient pourtant moins négatifs, relevant que les élections allaient porter au pouvoir, dans les assemblées nationales et régionales, une nouvelle génération de militaires.

«À moyen et long terme, toute évolution du statu quo doit avoir un aspect positif, ne serait-ce que parce qu'il est difficile d'imaginer, au moins du point de vue des droits de l'Homme, comment ça pourrait être pire», relève Benjamin Zawacki, pour Amnesty International.

Aung Naing Oo, analyste birman à Chiang Mai (nord de la Thaïlande), s'intéresse, au delà des élections, à l'apprentissage de tout un peuple.

«Les élections sont importantes car nous n'en avons pas eu depuis 20 ans, et il est essentiel que les Birmans apprennent à exercer leurs droits. Nous n'obtiendrons pas la démocratie du jour au lendemain, mais c'est une étape importante quand même».