La figure de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a rencontré mercredi un ministre de la junte pour la troisième fois en deux mois, alors que Washington juge insuffisants les résultats du dialogue entrepris depuis quelques mois avec le régime militaire.

Mme Suu Kyi qui est en résidence surveillée, et le ministre du Travail Aung Kyi se sont rencontrés «pendant 45 minutes» dans la maison des invités du gouvernement à Rangoun, a indiqué à l'AFP un responsable birman sans autre précision. En novembre, l'opposante avait écrit à la junte pour demander un entretien avec le numéro un du régime, le généralissime Than Shwe. Une requête restée sans réponse à ce jour de la part d'un homme qui n'a jamais caché la détester profondément.

Aung San Suu Kyi a été privée de liberté pendant 14 des vingt dernières années.

Elle a été condamnée en août à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence, ce qui l'exclut de facto des élections prévues en principe en 2010. Ses avocats présenteront le 21 décembre leur recours contre cette condamnation devant la cour suprême.

Mais la lauréate du prix Nobel de la paix a repris un début de discussion avec les militaires depuis deux mois, après avoir exprimé publiquement sa volonté d'aider à la levée des sanctions occidentales, qui pèsent contre la population birmane sans pour autant faire fléchir la junte.

C'est la troisième fois qu'elle s'entretient avec le ministre depuis début octobre, alors qu'ils ne s'étaient plus adressé la parole depuis janvier 2008.

En novembre, l'opposante a aussi fait sa première apparition publique -son procès excepté- depuis 2003, dans un hôtel de Rangoun, accompagnée du secrétaire adjoint américain pour l'Asie de l'Est et le Pacifique, Kurt Campbell, plus haut responsable américain à se rendre en Birmanie depuis 14 ans.

Les États-Unis considèrent désormais qu'une discussion est indispensable pour convaincre le pouvoir de Naypyidaw d'engager des réformes démocratiques. Une stratégie adoptée à son tour la semaine passée par l'Union européenne, qui a décidé d'engager «un dialogue politique soutenu» avec les généraux.

Mercredi, un haut responsable américain a cependant exprimé des réserves sur les résultats de ce dialogue.

«Des progrès seront accomplis lorsqu'il y aura un changement palpable en Birmanie. Jusqu'à présent, il n'y en a pas eu», a déclaré à Singapour Scot Marciel, l'assistant de Kurt Campbell, présent avec lui à Rangoun le mois dernier.

«À un certain stade, si aucun progrès n'est constaté, il sera difficile de poursuivre un dialogue, mais nous n'en sommes pas encore là (...). Le problème est que les décisions relèvent d'une seule personne et que cette dernière n'a pas encore affiché une volonté d'ouverture particulière», a ajouté le diplomate, faisant explicitement référence à Than Shwe.

Mercredi, la presse officielle birmane a ironisé sur le fait que Mme Suu Kyi et son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), avaient longtemps été favorables aux sanctions occidentales.

Le quotidien d'État New Lights of Myanmar a par ailleurs jugé que l'opposante avait été «malhonnête» en publiant ses deux derniers courriers à la junte.

«Si la LND et Aung San Suu Kyi veulent vraiment travailler ensemble avec le gouvernement dans l'intérêt national, ils peuvent apporter leur lettre directement au chef de l'État», a écrit le journal dans un éditorial, dénonçant «une tentative de faire pression» sur la junte avec l'aide des médias étrangers.