L'envoi de nouveaux renforts américains en Afghanistan a reçu mercredi un accueil mitigé au Pakistan, qui redoute un nouvel afflux d'islamistes dans ses zones frontalières, où l'armée combat les talibans liés à Al-Qaeda, responsables d'une vague sanglante d'attentats.

De nombreux cadres d'Al-Qaeda, dont Oussama ben Laden lui-même, ainsi que des milliers de talibans s'étaient réfugiés dans les zones tribales pakistanaises dès fin 2001 quand une coalition internationale emmenée par les États-Unis avait chassé les talibans du pouvoir à Kaboul.

Le président Barack Obama a annoncé mardi soir l'envoi de 30 000 soldats supplémentaires, dont l'essentiel dans le sud frontalier avec le Pakistan.

Depuis l'annonce de M. Obama, Islamabad n'a pas réagi officiellement mais, mardi soir, le ministre pakistanais des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi avait exprimé son inquiétude. «Notre problème n'est pas que les États-Unis augmentent la présence de leurs troupes en Afghanistan ou non, mais c'est plutôt l'endroit où elles sont déployées», avait-il commenté, cité par le quotidien pakistanais The News.

La semaine dernière, le premier ministre Raza Yousuf Gilani avait dit redouter que l'envoi de soldats américains en renfort dans le sud afghan ne précipitent davantage de talibans dans les zones tribales pakistanaises, déjà considérées par Washington comme le nouveau sanctuaire d'Al-Qaeda et une base de repli pour les insurgés afghans.

Le principal parti d'opposition, de l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, a préféré, pour sa part, saluer le calendrier évoqué par le président américain pour un début de retrait des troupes américaines à partir de juillet 2001. «M. Obama a fixé une stratégie de sortie et, si elle est appliquée dans un an et demi, c'est un geste bienvenu», a ainsi commenté pour l'AFP Raja Zafar ul-Haq, président de la Ligue Musulmane du Pakistan-aile Nawaz (PML-N).

Islamabad est l'allié-clé de Washington dans sa «guerre contre le terrorisme» depuis fin 2001 et Al-Qaeda et les talibans pakistanais ont décrété à l'été 2007 le «jihad», la guerre sainte, au Pakistan pour son soutien aux États-Unis.

Plus de  .000 soldats pakistanais ont été tués dans les zones tribales depuis début 2002 et près de 2 600 personnes dans tout le pays depuis l'été 2007, dans plus de 300 attentats perpétrés pour la plupart par les kamikazes des talibans pakistanais.

«Des troupes américaines supplémentaires le long de la frontière avec le Pakistan n'apporteront qu'une chose: un plus grand chaos (...) et pour le Pakistan, c'est un problème grave car cela poussera davantage d'insurgés islamistes vers le Pakistan», lisait-on mercredi dans un éditorial du quotidien pakistanais The Nation.

«Le temps est venu de faire valoir notre intérêt national en premier lieu», assène le journal, à l'unisson d'une grande partie d'une opinion publique pakistanaise farouchement anti-américaine et pour qui le «terrorisme» a été «importé» au Pakistan après l'échec des forces internationales à vaincre les talibans et Al-Qaeda en Afghanistan.