Le plus haut responsable américain à se rendre en Birmanie depuis 14 ans, chargé de rouvrir le dialogue avec la junte, a rencontré mercredi l'opposante Aung San Suu Kyi qui a été autorisée pour l'occasion à faire une de ses très rares apparitions publiques.

Âgée de 64 ans, la lauréate du prix Nobel de la paix est sortie de sa résidence de Rangoun, où elle est habituellement assignée, pour s'entretenir avec le secrétaire adjoint américain pour l'Asie de l'Est et le Pacifique, Kurt Campbell, et son assistant Scot Marciel. Mise à part pour son procès en août dernier, qui avait abouti à sa condamnation à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence, la «Dame de Rangoun» n'était pas apparue publiquement depuis 2003.

Portant une robe traditionnelle rose foncée, elle n'a fait aucune déclaration. «Suis-je belle quand je souris ?», a-t-elle simplement demandé aux photographes en souriant avant de repartir.

Les deux diplomates américains espéraient poser les bases d'un dialogue à long terme avec la junte.

«Les États-Unis sont prêts à prendre des mesures pour améliorer les relations mais ce processus doit être fondé sur des efforts réciproques et concrets du gouvernement birman», a relevé Kurt Campbell à la fin de sa visite.

Lui et son assistant ont rencontré mercredi le premier ministre Thein Sein à Naypyidaw, la capitale du pays depuis 2005, à 400 kilomètres au nord de Rangoun.

Mais le généralissime Than Shwe, l'homme fort du régime qui limite au maximum ses rencontres avec les étrangers, est resté inaccessible. Selon les médias gouvernementaux, il était en mission dans le sud du pays.

Kurt Campbell est le plus haut responsable américain à se rendre en Birmanie depuis la visite en 1995, sous la présidence de Bill Clinton, de Madeleine Albright, alors ambassadeur des États-Unis aux Nations unies.

Sa visite concrétise la prise de conscience par le gouvernement de Barack Obama de l'inefficacité des seules sanctions économiques, qui ne sont pas parvenues à faire évoluer l'un des régimes les plus fermés du monde.

Le diplomate a souligné sa détermination à voir la Birmanie «respecter les droits de l'Homme de son peuple, promouvoir la démocratie et appliquer les résolutions des Nations unies».

«Nous avons affirmé notre engagement à un dialogue entre le gouvernement, l'opposition et les groupes ethniques» a-t-il ajouté.

Ce rapprochement bilatéral coïncide avec un réchauffement des relations entre la junte et Aung San Suu Kyi, qui a passé plus de 14 des 20 dernières années privée de liberté et qui demeure viscéralement détestée par Than Shwe.

La figure de proue de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), principal parti d'opposition, avait remporté les dernières élections en 1990 mais n'a jamais été autorisée à exercer le pouvoir.

Mercredi, les diplomates ont d'ailleurs rencontré des cadres du parti. «Nous sommes restés concentrés sur le dialogue entre Aung San Suu Kyi et le généralissime Than Shwe», a indiqué à l'AFP un porte-parole de la LND, Khin Maung Swe.

Ecartée par sa récente condamnation des élections promises par la junte en 2010, Mme Suu Kyi est cependant revenue dans le jeu politique, après avoir repris contact en octobre avec l'officier de liaison de la junte et avec les diplomates étrangers en poste à Rangoun.

Longtemps favorable aux sanctions, l'opposante admet elle aussi désormais qu'elles étranglent la population mais ne font sourciller ni les généraux, ni les hommes d'affaires qui prospèrent avec eux.