Encouragés à s'enrichir depuis 30 ans, certains Chinois ont recours à des méthodes peu orthodoxes, y compris dans les hautes sphères de l'appareil judiciaire qui se retrouve maintenant au coeur d'une série de scandales de corruption.

Des dizaines de hauts responsables de la justice chinoise, dont l'ancien vice-président de la Cour suprême, sont impliqués dans des affaires de corruption, un mal que le gouvernement chinois a pourtant promis de combattre activement.

L'un d'eux, Wen Qiang, ancien chef de la justice et ancien chef adjoint de la police de la métropole de Chongqing, aurait amassé des pots-de-vin estimés à plus de 100 millions de yuans (10 millions d'euros) en protégeant de grands criminels.

«Quand des gens comme un vice-président de Cour Suprême sont corrompus, vous pouvez vous-même tirer vos conclusions sur l'ampleur de la corruption du système judiciaire en Chine», souligne l'avocat engagé Mo Shaoping.

«Le problème est assez grave», ajoute Me Mo, dont le cabinet a défendu bon nombre de cas de personnes spoliées de leurs terres ou mal indemnisées.

La lutte contre la corruption fait pourtant partie des tâches prioritaires affichées par les autorités chinoises, pour lesquelles ce fléau menace la légitimité du parti communiste au pouvoir.

Wen, devenu l'an dernier le plus haut représentant de la justice à Chongqing après 16 ans de service dans la police, est accusé d'avoir accordé sa protection à un vaste réseau d'hommes d'affaires, de criminels, de responsables officiels de cette municipalité de plus de 30 millions d'habitants.

Immobilier, transport, jeu, prostitution, usure: tous les secteurs pouvaient bénéficier de sa complaisance, selon les médias officiels.

Dans cette affaire, jusqu'à 2000 suspects ont fait l'objet d'une enquête et au moins deux douzaines de responsables municipaux se sont trouvés pris dans les filets, dont le vice-président de la Haute Cour de Chongqing, Zhang Tao.

«Encore plus choquant que les liens de Wen Qiang avec mafia et hommes d'affaires, est le rôle que les responsables officiels à tous niveaux ont joué», a commenté le Quotidien de la Jeunesse de Chine.

«S'il n'y avait pas eu cet écheveau de responsables pour établir des ponts, Wen Qiang n'aurait pas eu le pouvoir, la capacité, d'établir ce parapluie de protections», a-t-il ajouté.

Peu après que le cas Wen eut été révélé, le parti communiste a expulsé de ses rangs Huang Songyou, ancien patron adjoint de la Cour suprême de Chine, tombé en disgrâce l'an dernier avec l'ouverture d'une enquête pour prévarication.

Huang, 51 ans, aurait aidé à résoudre une affaire immobilière de 400 millions de yuans en échange d'un beau dessous de table à la fin des années 90, alors qu'il était en poste dans la province méridionale du Guangdong, une des plus riches et dynamiques du pays.

«Le grand problème de la Chine est la corruption et la corruption est liée au fait qu'il n'y a pas de mécanisme de contrôles et d'équilibre sur le pouvoir», commente Joseph Cheng, de la City University de Hong Kong.

«Et cela, parce que le parti veut maintenir un monopole sur le pouvoir, et n'est pas prêt à adopter des restrictions à ce pouvoir. C'est donc un cercle vicieux qui ne leur permet pas de combattre efficacement la corruption».

Les autorités n'en ont pas moins pris des mesures allant en ce sens comme l'obligation pour les responsables officiels de rendre publics leurs biens ainsi que l'emploi de leurs proches, selon la presse.

Joseph Cheng reconnaît que cet effort de transparence pourrait aider mais il souligne aussi le rôle qu'une presse plus libre pourrait jouer dans ce combat, ainsi qu'un Parlement doté de davantage de pouvoirs plutôt que d'être une Chambre avalisant les décisions du sommet.