Arriérée et isolée il y 60 ans, la Chine est aujourd'hui un géant mondial qui finance l'économie américaine, arpente l'Afrique et l'Amérique latine pour leurs ressources naturelles et fait entendre de plus en plus sa voix sur la scène internationale.

Une transformation époustouflante, due à un changement radical de cap à mi-parcours: à la fin des années 70, après trois décennies de maoïsme et de grands soubresauts, la Chine «prend un virage vers le pragmatisme économique et politique», résume Ren Xianfang, analyste d'IHS Global Insight. Le pays qui était «un peu le paria du monde» selon l'économiste Françoise Lemoine, brouillé avec les deux blocs de la guerre froide et qui a accédé à grand-peine à l'ONU en 1971, sort de son isolement, établit des relations avec les États-Unis (1978) et lance, sous la houlette du «petit timonier» Deng Xiaoping la politique de réformes économiques qui l'ouvre aux investissements étrangers.

Avec «une chance» énorme: «il entame sa transition alors que le monde est également en transition», vers plus d'économie de marché, de privatisation, de mondialisation, relève Ren Xianfang.

«La Chine s'ouvre en effet à un moment où d'autres pays sont prêts à délocaliser une partie de leur activité intensive en main d'oeuvre; elle sait saisir les avantages de cette mondialisation, de ces mouvements de capitaux et de marchandises et s'insère dans cette nouvelle division du monde», explique Mme Lemoine, spécialiste de la Chine au CEPII basé à Paris.

Avant cela, malgré les excès du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle, Françoise Lemoine relève néanmoins, entre 1949 et 1979, les «progrès en matière d'hygiène, de santé et d'éducation, puisque la plupart des jeunes ont enfin accès à une éducation de base».

Lorsque les communistes accèdent au pouvoir en 1949, la Chine sort exsangue d'une guerre civile et de l'occupation japonaise, son PIB est retombé à son niveau de 1890, son demi-milliard d'habitants est extrêmement pauvre, rural, analphabète.

En 2009, la Chine est la troisième économie mondiale, le premier exportateur de la planète, le premier détenteur de réserves de change, le premier créancier des États-Unis (800 milliards de dollars de bons du Trésor fin juillet).

Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, elle mène les négociations multipartites sur le nucléaire nord-coréen, fait partie des six pays en charge du dossier iranien.

Elle est considérée comme un acteur-clef pour tenter de résoudre le conflit du Darfour, dans l'ouest du Soudan, pays où elle achète du pétrole, et sa politique en matière de lutte contre le réchauffement climatique est devenue essentielle.

«L'atelier du monde» est devenu un pays en pointe dans la recherche et fait désormais partie du trio ayant déposé 59% des demandes de brevets en 2007, avec les États-Unis et le Japon.

Sa population a plus que doublé (1,3 milliard) mais elle est à 45% urbaine, à peine un peu plus de 8% reste illettrée, et si les inégalités se creusent, le nombre d'ultra-pauvres a été drastiquement réduit.

Pour nombre d'experts, le pays a désormais acquis un poids plus en rapport avec sa taille. Sans toutefois mériter encore le statut de superpuissance.

«La Chine n'est qu'un pays en développement, dont l'ascension est toujours confrontée à beaucoup d'incertitudes. Un obstacle majeur (...) est qu'elle doit encore être admise par le reste du monde comme un leader partageant les valeurs et idéologies internationales, ce qui nécessitera des réformes politiques drastiques -- et ne devrait pas se produire de si tôt», dit Ren, en allusion au maintien du monopole absolu du Parti communiste depuis 60 ans.

«Les doutes vis-à-vis de la Chine ne s'effaceront qu'avec le développement d'un système politique démocratique et constitutionnel», concède Hu Xingdou, professeur de l'institut de technologie de Pékin.