Pour Pékin, les 60 ans du régime socialiste c'est la propagande revue par Hollywood et Broadway: des dizaines de films, séries télévisées et spectacles sont présentés, avec en tête une superproduction au casting de rêve.

Impossible d'échapper à «Jianguo Daye» («La grande cause de la fondation du pays», «The Founding of a Republic»), le long métrage de 30 millions de yuans (plus de 3 millions d'euros), réalisée notamment par l'homme fort du cinéma chinois Han Sanping: il est sur tous les écrans - 1700 copies dans tout le pays, un record- et a bénéficié d'une promotion digne d'un «blockbuster» américain. Plus de 170 réalisateurs et acteurs vedettes, dont Zhang Ziyi, Chen Kaige, Jet Li et Jackie Chan, apparaissent, certains très brièvement.

Si Mao Zedong est omniprésent à l'écran, en ces temps de crise et de tensions sociales le message principal du film est l'unité du pays.

En plus de deux heures, il raconte la naissance de la Conférence consultative politique du peuple chinois, un front uni des «partis démocratiques», artistes, scientifiques et intellectuels qui vota l'établissement de la République populaire de Chine.

Han Sanping, numéro un de China Film, plus grand producteur et distributeur du pays, explique avoir réalisé un film de propagande d'un genre nouveau, avec un Mao et un Chiang Kai-shek humains. On y voit notamment le «Grand Timonier» totalement saoûl après une victoire importante.

Et les nombreuses vedettes sont là pour attirer les jeunes chinois.

Comme Fu Qiang, étudiant de 21 ans, qui vient de voir le film, dans un cinéma de Pékin, une sortie organisée à l'initiative de son université.

«Tous les Chinois doivent voir ce film», dit-il.

«Le plus important, ce ne sont pas les vedettes, même si cela va permettre d'augmenter les recettes», poursuit le jeune homme.

«Cela aide à soutenir le patriotisme parmi les Chinois, en plus c'est bientôt la Fête nationale, c'est un bon moyen de la célébrer», explique-t-il.

Pour Wang Yu, une retraitée sexagénaire, «le film montre le développement de la révolution chinoise, de la faiblesse à la force, et cette période où le parti communiste a guidé les gens pour libérer le pays».

«C'est vraiment authentique», lance-t-elle.

L'artiste iconoclaste Ai Weiwei, lui, y voit une nouvelle pièce de propagande d'un régime qui n'a guère changé dans ce domaine.

Toutes ces stars, qui n'ont pas touché de cachets, se sont senties obligées de participer, car sinon «elles savaient qu'elles allaient rater ensuite beaucoup d'opportunités», juge-t-il.

«Le réalisateur est une personne très puissante dans l'industrie du cinéma, cette nation est devenue progressivement une mafia, ils contrôlent tout, ils peuvent soit vous propulser ou vous écraser», affirme-t-il.

En tout cas, en une semaine, les producteurs étaient déjà rentrés dans leurs frais.

Pour Luisa Prudentino, sinologue et spécialiste du cinéma chinois, c'est désormais la «formule gagnante» pour les films de propagande.

«Cela leur permet à la fois de contrer le monopole de Hollywood en faisant des films grand spectacle qui gagnent de l'argent mais aussi en faisant passer le message, sous une forme beaucoup plus 'glamour' que les anciennes formes idéologiques», dit-elle.

L'autre pièce majeure de ces célébrations est «La route de la renaissance», une comédie musicale de deux heures et demie, qui, des guerres de l'Opium à 2009, glorifie le retour d'une Chine puissante sur la scène internationale.

La principale chaîne de télévision est également «rouge».

L'heure de grande écoute est bercée par la marche victorieuse des communistes, emmenés par Mao, vers le pouvoir, face aux nationalistes: c'est la série «Jiefang» («Libération»), avec moult scènes de guerre. Et 50 épisodes au total.