La junte birmane a fait un pas supplémentaire dans la préparation des élections de 2010 en écartant l'opposante Aung San Suu Kyi, mais elle a échoué à étouffer le problème ethnique, dont certains analystes estiment qu'il pourrait échapper au contrôle des généraux.

La lauréate du prix Nobel de la paix a fait appel de sa condamnation à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence, pour avoir brièvement hébergé en mai dernier un Américain qui avait réussi à nager jusqu'à son domicile.

Mais les généraux birmans tiennent suffisamment leur système judiciaire pour ne pas avoir à s'inquiéter d'une procédure d'appel. Sauf s'ils en décident autrement, Mme Suu Kyi restera exclue du paysage politique jusqu'après la consultation, quelles que soient les protestations occidentales.

Le régime aura plus de mal à garder le contrôle de la situation dans certains régions reculées du pays, où la contestation de certains groupes minoritaires reprend de la vigueur.

«C'est une question très compliquée. Après Aung San Suu Kyi, le prochain gros problème est celui des minorités ethniques», assure Aung Naing Oo, un analyste indépendant basé en Thaïlande.

Le régime militaire justifie sa domination écrasante sur le système politique du pays par la nécessité de préserver «la stabilité de l'Etat», face aux revendications politiques et territoriales des minorités qui n'ont cessé de contester son pouvoir depuis 1948.

Récemment, les généraux ont repris l'offensive face aux rebelles Karens en juin, puis en août face aux Kokangs, un groupe rebelle sinisant, dans le nord-est reculé du pays, provoquant à chaque fois un exode massif de réfugiés aux frontières du pays.

Ces dernières années, la junte avait plusieurs fois réussi à signer des accords avec les groupes rebelles, leur proposant notamment d'assurer eux-mêmes la sécurité aux frontières tout en leur laissant développer leurs activités, pour certaines portant sur le trafic de drogue.

Mais les combats qui ont repris pendant plusieurs jours face aux Kokangs ont témoigné de vives tensions derrière les accords de façade.

Pour Win Min, un opposant au régime de Rangoun à l'université Payap de Chiang Mai, en Thaïlande, l'offensive birmane doit être lue comme un avertissement aux autres groupes ethniques tentés de contrarier le processus électoral.

«Il faut lire ce qui se passe dans le contexte des élections de 2010. L'armée birmane montre aux groupes qui ont signé le cessez-le-feu que s'ils n'acceptent pas les projets de la junte, il leur faudra se battre», estime-t-il.

La constitution de 2008, adoptée par un référendum organisé quelques jours seulement après le passage du cyclone qui avait ravagé le sud du pays, n'a nullement satisfait les objectifs des groupes ethniques.

«Les groupes avaient signé le cessez-le-feu dans l'espoir qu'ils obtiendraient plus d'autonomie. Mais ils ont été rejetés,» ajoute Win Min.

Selon un diplomate européen, la situation pourrait désormais toucher d'autres régions du pays et menacer son unité toute entière. «Si aucune solution n'est trouvée pour ces groupes ethniques, le pays risque l'implosion», estime-t-il, jugeant le problème bien plus complexe que le cas d'Aung San Suu Kyi.

«Il reste tellement de questions avant 2010, tellement de choses à faire. Je suis convaincu que (le numéro un de la junte) Than Shwe n'a pas la moindre idée de comment il va s'y prendre», ajoute-t-il.