Le tribunal qui juge les responsables du régime des Khmers rouges va examiner les dossiers de nouveaux suspects, au moment où le Cambodge est en désaccord avec la communauté internationale sur l'ampleur que ce procès exceptionnel doit prendre.

Selon Lars Olsen, un porte-parole du tribunal, les magistrats instructeurs vont pouvoir «ouvrir des enquêtes judiciaires» sur ces nouveaux suspects.

Il appartiendra ensuite au tribunal de décider si ces individus - cinq ou six cadres intermédiaires du régime communiste, selon des sources proches du dossier --, seront ou non poursuivis.

Entre 1975 et 1979, quelque 2 millions de Cambodgiens, soit un tiers de la population, sont morts sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition, avant que le régime ne soit renversé par l'invasion vietnamienne.

La Cour, mise en place dans la douleur en 2006 et parrainée par les Nations unies, juge actuellement Kaing Guek Eav, alias «Douch», accusé d'avoir supervisé l'élimination de plus de 15.000 personnes à la prison de Tuol Sleng.

Après ce premier verdict, qui n'est pas attendu avant plusieurs mois, quatre autres responsables au profil plus politique du «Kampuchéa démocratique», Nuon Chea, Ieng Sary, Ieng Thirith et Khieu Samphan, sont en attente de jugement, eux aussi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Mais l'âge avancé de ces accusés et leur santé fragile font craindre qu'ils meurent avant d'entendre un verdict.

Savoir s'il faut poursuivre d'autres acteurs d'une des plus grandes tragédies du XXe siècle demeure source de conflit entre la communauté internationale et le gouvernement cambodgien, soupçonné de vouloir protéger d'ex-cadres khmers rouges devenus des membres de l'administration.

Les magistrats cambodgiens et étrangers n'ont en l'occurence pas réussi à se mettre d'accord sur ces nouveaux dossiers. Mais conformément à ce que prévoient les statuts du tribunal en pareille situation, le procureur international a obtenu en dernier recours le pouvoir de poursuivre la procédure.

«C'est un signe évident que les mécanismes issus de la loi sont efficaces», a relevé Michelle Staggs, de l'organisation Asian International Justice Initiative.

«Je suis content que l'ordre ait finalement été donné afin que la cour continue de contribuer à rendre justice aux victimes des Khmers rouges», s'est félicité pour sa part le procureur international par interim, William Smith.

Mais la querelle n'est pas réglée. Richard Rogers, chef du bureau des avocats de la défense, soulignait que le dossier avait divisé les magistrats cambodgiens d'un côté, et leurs collègues étrangers de l'autre. «Tout ce que nous pouvons espérer est que cela ne témoigne pas d'un manque d'indépendance», a-t-il relevé.

Le premier ministre cambodgien Hun Sen, lui-même ancien commandant Khmer rouge qui s'est ensuite retourné contre le mouvement, avait assuré en mars dernier que son pays replongerait dans la guerre civile si le tribunal engageait de nouvelles poursuites.

«Je préfère voir cette Cour échouer» plutôt que «laisser la guerre se reproduire au Cambodge», avait-il déclaré.

Fin juin, en annonçant sa démission pour des «raisons personnelles et familiales», le Canadien Robert Petit, procureur international au tribunal, avait nié être en conflit ouvert avec son confrère cambodgien.

Mais il avait reconnu être convaincu de la nécessité de mettre fin à l'impunité au Cambodge, et avait jugé «très perturbant» que des autorités non judiciaires «jugent légitime d'indiquer à un tribunal ce qu'il doit faire».