La campagne des élections législatives au Japon a débuté officiellement mardi, douze jours avant un scrutin historique qui pourrait voir l'opposition centriste mettre fin à un demi-siècle de domination des conservateurs.

Plus de 1300 candidats issus de 12 partis vont tenter de gagner le 30 août l'un des 480 sièges de la Chambre des députés, chargée ensuite d'élire un premier ministre, traditionnellement le chef du parti vainqueur. Le Parti Libéral-Démocrate (PLD-droite) du premier ministre Taro Aso est devancé de plus de 10 points dans les sondages par le principal mouvement d'opposition, le Parti Démocrate du Japon (PDJ), dirigé par Yukio Hatoyama, mais un tiers des personnes interrogées affirment ne pas savoir encore pour qui elles vont voter.

L'annonce lundi d'une reprise de la croissance, après cinq trimestres de récession, apporte de l'eau au moulin de M. Aso, qui a axé sa campagne sur «le sens des responsabilités», face à un PDJ accusé de n'avoir aucune expérience du pouvoir. Mais elle survient probablement trop tard pour changer la donne.

Mardi, M. Aso, un nationaliste fortuné et sans complexe de 68 ans, a repris ce credo lors de son premier discours de campagne à Hachioji, à 40 km à l'ouest de Tokyo.

Juché sur le toit d'une camionnette, comme c'est la tradition au Japon, le col ouvert et les manches de chemise relevées, le premier ministre a harangué de sa voix rauque une foule d'un millier de personnes rassemblées devant la gare.

«Je dois reconnaître que le gouvernement n'a pas accordé suffisamment d'attention» aux disparités sociales et à la pauvreté, a-t-il dit. «Nous prenons désormais ces questions au sérieux».

Il a très vite enchaîné sur les signes encourageants de reprise de la croissance au Japon, dont il s'est attribué le mérite grâce à ses quatre plans de relance budgétaire. «Nos mesures économiques portent assurément leurs fruits», a-t-il affirmé, ajoutant toutefois que sa politique économique «était encore à mi-chemin».

M. Hatoyama, 62 ans, héritier d'une riche dynastie politique souvent comparée aux Kennedy, s'était lui déplacé à Osaka, la grande métropole de l'ouest du Japon, pour parler du «nouveau Japon» qu'il veut créer.

«Le jour est venu de changer l'histoire du Japon», a-t-il dit, vêtu d'un costume-cravate malgré la canicule. «Avec courage, mettons en place une nouvelle politique centrée sur chacun de vous. S'il vous plaît, aidez le PDJ à changer le pouvoir».

Les Démocrates espèrent capitaliser sur le mécontentement et la morosité des Japonais, inquiets de la montée du chômage et de la précarité, et tentés par «l'autre politique» qu'ils proposent, plus proche des gens.

Dans la Chambre basse sortante, le PLD et son allié, le Nouveau Komeito, jouissaient d'une très large majorité de 334 sièges depuis les élections de 2005 remportées haut la main grâce à la popularité du premier ministre de l'époque, Junichiro Koizumi.

Mais ses successeurs, Shinzo Abe, Yasuo Fukuda et M. Aso -- trois Premiers ministres en trois ans -- n'ont pas réussi à enrayer le déclin inexorable du puissant PLD, qui gouverne le Japon depuis 54 ans, à l'exception d'une brève interruption de 10 mois au début des années 90.

Après avoir perdu le contrôle du Sénat en 2007, les conservateurs semblent résignés à la défaite, mais espèrent empêcher les Démocrates, qui avaient obtenu 112 sièges en 2005, de rafler la majorité absolue de 241 sièges à la Chambre des députés.

Le PDJ serait alors contraint de s'allier à d'autres petits partis pour constituer une majorité. Un scénario qui n'avait duré que dix mois en 1993 et 1994, avant un retour au pouvoir du PLD.