L'ancienne présidente philippine Corazon Aquino, qui avait mené le soulèvement populaire et démocratique ayant abouti à la chute du dictateur Ferdinand Marcos en 1986, est décédée samedi matin à Manille des suites d'un cancer à l'âge de 76 ans, a annoncé son fils, Benigno «Ninoy» Aquino Jr.

«Cory» Aquino s'est éteinte à 3h18 (19h18 GMT vendredi). Elle souffrait d'un cancer du colon, diagnostiqué il y a un an et était hospitalisée depuis plus d'un mois dans un hôpital de la capitale philippine.

Soutenue par des centaines de milliers de Philippins, descendus dans la rue, elle avait succédé à 21 ans de Ferdinand Marcos, soufflant un vent de protestations non-violentes dans le monde entier, en particulier dans les pays communistes de l'Est européen. En six ans au pouvoir, elle tiendra bon face à sept tentatives de coup d'Etat en six ans.

Au pouvoir, Cory Aquino mènera un programme de redistribution des terres, mettant ainsi fin à la domination d'une élite de propriétaires terriens, dont faisait partie sa propre famille. Ses réformes sociales et économiques laisseront toutefois un goût d'inachevé.

Toujours souriante, Corazon Aquino est restée très populaire aux Philippines, où on la surnommait «Tatie Cory». «Elle était obstinée et avait de la suite dans les idées en vue de ses objectifs et cela a permis d'éliminer tous les vestiges d'une dictature bien établie», a expliqué Raul Pangalangan, l'ancien doyen de la faculté de droit des Philippines. «Nous lui devons tous énormément».

L'actuelle présidente, Gloria Macapagal Arroyo, en visite officielle aux Etats-Unis, a déclaré que «la nation toute entière serait en deuil» pendant 10 jours, après la perte de ce «trésor national», précisant que des funérailles nationales seraient organisées. Cory Aquino «a aidé à conduire une révolution qui a instauré la démocratie et la primauté du droit dans notre nation, à un moment où le danger était grand».

Les Philippins ont commencé à organiser des prières dans les églises dans tout le pays, dont la capitale. Elles dureront un mois. Des messes sont prévues plus tard ce samedi. Des rubans jaunes ont d'ores et déjà été attachés aux arbres, dans son quartier de la ville de Quezon, non loin de Manille.

«Aujourd'hui, notre pays a perdu une mère», a dit l'ancien président Joseph Estrada (1998-2001), rendant hommage à «la femme forte et gracieuse» qu'était Corazon Aquino.

Aux Etats-Unis, la Maison Blanche a également rendu hommage au «rôle crucial» que Corazon Aquino a joué «dans l'histoire des Philippines», a déclaré son porte-parole Robert Gibbs, parlant de la tristesse du président Barack Obama lui-même. La secrétaire d'Etat Hillary Clinton a loué de son côté son «courage extraordinaire», après l'assassinat de son mari, «sa force tranquille et son engagement inébranlable pour la justice et la liberté», qui ont inspiré son mari, l'ancien président Clinton et elle.

Corazon Aquino est entrée en politique en 1983, lorsque son mari, le chef de l'opposition, Benigno «Ninoy» Aquino, a été assassiné à l'aéroport international de Manille, à son retour d'exil des Etats-Unis. Elle se trouvait toujours à Boston avec leurs cinq enfants. Rentrant trois jours après, elle assistera à une procession record de deux millions de personnes dans les rues de Manille.

En 1985, modestement et devant des Philippins plutôt machos, elle n'hésite pas à déclarer: «Que pourrais-je bien connaître de la présidence», avant d'obtenir le soutien des différentes factions de l'opposition, des milieux d'affaires et plus tard des forces armées, puis de renverser la dictature Marcos.

«Pendant l'incinération de Ninoy et avant ma présidence, je ne cessais de me demander pourquoi c'était toujours à nous de se sacrifier», avait-elle confié au quotidien «Philippine Star», en 2007. «Pourquoi serait-ce à mon tour maintenant? Il semblerait que nous étions comme l'agneau sacrificiel», ajoutant: «Les gens me comparaient à un président idéal mais cela n'existe pas et n'a jamais existé.»

Cory Aquino était diplômée en français du Collège du Mont Saint-Vincent à New York, une université catholique et autrefois réservée aux femmes. AP