Quand il fait beau, le garçon aux cheveux blonds sourit tendrement, l'air innocent. Mais quand il pleut, l'ange se transforme en démon: son visage s'ensanglante. Des larmes de sang coulent de ses yeux, de ses oreilles, de son nez.

Est-ce un vampire? Une scène d'un nouveau film d'horreur? Non, il s'agit plutôt d'un panneau-réclame pour le moins dérangeant installé ce printemps en bordure des autoroutes de Nouvelle-Zélande.

 

La publicité-choc, qui fait fureur ces jours-ci sur le web, visait à convaincre les automobilistes de ralentir sur la chaussée mouillée. Trois panneaux ont été installés d'avril à mai en bordure des autoroutes de la région d'Auckland, au nord du pays. Le printemps est pluvieux en Nouvelle-Zélande, et les accidents de la route se multiplient.

Le concept de la campagne de sensibilisation est simple. Un visage d'enfant ou d'adulte figure sur un large panneau blanc. Quand il pleut, un senseur actionne un système de pompes. Résultat: du colorant alimentaire rouge sort du panneau et ruisselle le long du visage de la victime.

«C'était une publicité simple d'un point de vue technologique, mais très efficace», estime Mark Baker, conseiller en communications du conseil du district de Papakura, joint en Nouvelle-Zélande.

Les résultats ont en effet dépassé toutes les attentes. Pendant les deux mois de la campagne, aucun accident n'a été signalé sur les trois autoroutes où les panneaux ont été érigés, alors que sur l'une de celles-ci, on y comptait en moyenne un accident par semaine au printemps. Mieux, la vitesse moyenne des automobilistes a baissé de 7 km/h.

«Certains l'ont détestée, d'autres l'ont adorée, mais une chose est sûre, la publicité n'a laissé personne indifférent», assure Mark Baker.

Les autorités du conseil de Papakura songent sérieusement à réitérer l'expérience l'année prochaine, si leur budget le permet. Et ils ne sont pas les seuls. L'agence de publicité Colenso BBDO, qui a conçu la campagne, est en discussion avec l'Irlande pour exporter le concept.

Les Québécois y auront-ils droit, un jour? Gino Desrosiers, porte-parole de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), souligne que ce genre de publicité ne correspond pas au ton adopté par l'organisme gouvernemental cette année.

«On travaille davantage sur les comportements que sur les conséquences des accidents», souligne M. Desrosiers qui, personnellement, trouve le panneau-réclame «très frappant».

De toute façon, les lois québécoises sur l'affichage ne permettraient pas un tel concept, souligne Roger Tremblay, publicitaire pigiste. Il est en effet interdit de mettre des pièces mobiles sur les panneaux, puisque cela pourrait distraire l'automobiliste.

C'est d'ailleurs le premier reproche que formule M. Tremblay à la campagne néo-zélandaise. «Personnellement, je freinerais si je voyais un tel panneau-réclame, et ça serait imprudent. C'est justement ce que la publicité souhaite éviter», note-t-il.

Roger Tremblay doute également que la campagne néo-zélandaise atteigne son objectif. Et le publiciste s'y connaît dans le domaine: il a conçu la première publicité-choc de la SAAQ, «La vitesse tue», diffusée pour la première fois en 1993. On y voyait un jeune homme envahi par la culpabilité après avoir causé la mort de sa blonde (Marie-Josée Croze) dans un accident dû à un excès de vitesse.

«Les publicités pour contrer la vitesse au volant s'adressent aux conducteurs intrépides et récalcitrants, aux têtes de cochon de 18 à 30 ans. Et pour les brasser, il faut absolument qu'ils se reconnaissent dans le personnage à l'écran», estime M. Tremblay.

«Un visage d'enfant qui saigne... C'est esthétique, intéressant, mais efficace? J'en doute», conclut-il.