Trois ans après un vaste coup de balai dans la métropole économique et financière de la Chine, Shanghai, la lutte anticorruption a frappé ces derniers jours la métropole de Shenzhen, vitrine des réformes économiques depuis 30 ans.

Plus haute personnalité incrimée, Xu Zongheng, 53 ans, maire de cette ville de 11 millions d'habitants dans la riche province du Guangdong, a été arrêté pour «graves violations de la discipline», un euphémisme employé dans les affaires de prévarication.Selon les médias, il était visé par une enquête pour ses liens avec Huang Guangyu, richissime patron de la première chaîne chinoise de distribution de matériel électrique et électronique, Gome, soupçonné notamment de manipulation de marché et arrêté en janvier.

L'épouse du maire, le vice-maire, le président d'un organe consultatif de la province et un responsable du Zhejiang (Est) notamment, seraient au nombre des personnes susceptibles d'être éclaboussées.

«C'est un mouvement anticorruption d'ampleur, dans une province, le Guangdong, où il y a beaucoup d'argent et un fort niveau de collusion entre milieux politique et d'affaires», commente Willy Lam de la Jamestown Foundation.

Le scénario n'est pas sans rappeler la chute, en septembre 2006, de l'ex-numéro un du Parti communiste de Shanghai, Chen Liangyu, pris dans un retentissant scandale de corruption, dans lequel ont également été mis en cause une vingtaine de responsables municipaux et chefs d'entreprises.

Quelques mois plus tôt, une enquête avait révélé des détournements massifs au sein du fonds de pension de Shanghai, investis dans des projets immobiliers et d'infrastructure spéculatifs.

Chen, reconnu coupable d'avoir accepté des pots-de-vin et d'abus de pouvoir, a été condamné en avril 2008 à 18 ans de prison, plus important cadre du régime condamné pour corruption depuis 1995.

Certains analystes tracent un parallèle avec l'affaire actuelle: «il y a un petit nettoyage des cadres du Guangdong, avec cette affaire Gome. On a un peu l'impression quand-même qu'après Shanghai, le Guangdong...», relève le sinologue Jean-Philippe Béja.

Même si «le limogeage du maire de Shenzhen n'est pas du niveau de la chute du secrétaire général du parti communiste de Shanghai», qui était aussi membre du bureau politique du Comité central du Parti, ajoute-t-il.

«Shenzhen, c'est la suite de l'affaire Gome. Tous les ans, à ce niveau de responsabilités, une dizaine de têtes tombent», renchérit une source occidentale.

Les autorités mènent en effet régulièrement des campagnes contre la corruption, notamment dans les périodes précédant les grands événements politiques, estimant qu'elle mine leur légitimité et menace même «la survie du parti» communiste, selon les mots du président Hu Jintao.

Or le Parti s'apprête à fêter en grande pompe ses 60 ans au pouvoir, avec l'anniversaire le 1er octobre de la proclamation de la République populaire de Chine.

«Il est très difficile de savoir ce qui se passe. Mais on peut se demander si, effectivement, ce n'est pas un mouvement précédant le 60e anniversaire», s'interroge Jean-François Huchet, directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine à Hong Kong.

«Nous sommes aussi au lendemain des méchants anniversaires (mouvement démocratique de 1989, ndlr) où la corruption avait joué un rôle relativement important, alors montrer qu'on est prêt (à lutter contre le fléau), c'est important», ajoute M. Béja.

Néanmoins, Willy Lam ne voit pas la campagne prendre davantage d'ampleur: «elle se termine. Le moral est bas dans le Guangdong où les cadres ont peur, il faut les rassurer».

L'affaire Huang Guangyu est par ailleurs «trop grosse, il y a trop de gens impliqués dans différents ministères et provinces», dit-il.