Quatre des 17 Chinois ouïghours détenus à Guantanamo et blanchis de tout soupçon de terrorisme depuis des années ont rejoint jeudi les Bermudes, un archipel touristique à 1.700 km des côtes américaines qu'ils ne pourront toucher sans accord préalable de Washington.

Heureux d'avoir enfin retrouvé la liberté, Abdul Nasser, un des anciens détenus a déclaré au nom de ses compagnons, Huzaifat Parhat, Abdul Semet et Jalal Jalaladin: «ayant grandi sous le communisme, nous avions toujours rêvé de vivre en paix et de travailler dans une société de liberté comme celle-ci».Ils devraient selon leurs avocats «participer à un programme pour travailleurs étrangers» en situation régulière.

Les quatre membres de cette minorité musulmane et turcophone du nord-ouest de la Chine, qui ont passé plus de sept ans enfermés à Guantanamo, ne pourront entrer aux États-Unis sans accord préalable du gouvernement américain, a précisé sous couvert d'anonymat un responsable pour apaiser l'inquiétude d'une partie de l'opinion et de la classe politique.

«Le transfert de ces détenus permettra de rendre l'Amérique plus sûre», a assuré le ministre de la Justice, Eric Holder.

Les Bermudes sont un territoire britannique doté d'une autonomie sur les affaires de politique intérieure, situé à l'est des côtes de Floride (sud-ouest des États-Unis).

Le petit archipel s'étend sur 53 km2 et compte un peu moins de 70.000 habitants. Mais il attire chaque année un demi-million de touristes dont 85% d'Américains.

Les quatre hommes libérés jeudi sont les premiers Ouïghours à quitter Guantanamo depuis 2006, quand cinq autres avaient été envoyés en Albanie.

Les Ouïghours ne veulent pas retourner en Chine, craignant d'y être persécutés et les États-Unis ne se sont jamais résolus à les y renvoyer malgré les réclamations de Pékin qui a appelé Washington à les «rapatrier vers la Chine dès que possible».

Arrêtés fin 2001 en Afghanistan, où ils fuyaient les persécutions de Pékin, les 17 Ouïghours arrivés en 2002 à Guantanamo ont toujours été dans une situation à part. Blanchis très tôt par le Pentagone, puis par la justice fédérale, ils n'avaient jusqu'ici pu quitter la prison faute d'un pays tiers acceptant de les recevoir.

Début juin, ils avaient communiqué en silence à Guantanamo avec des journalistes en écrivant leur frustration sur les pages d'un cahier.

L'archipel de Palau, dans le Pacifique, a aussi accepté de les accueillir. Mais «aucune décision définitive» n'a été prise, avait indiqué mercredi à l'AFP un haut responsable américain sous couvert d'anonymat.

Les 13 Ouïghours toujours emprisonnés attendent leur libération dans le «camp Iguana», qui accueille les détenus innocentés. Ils y jouissent d'une liberté relative, derrière des grilles surmontées de rouleaux de barbelés.

Barack Obama a promis de fermer Guantanamo d'ici janvier 2010 et espère convaincre d'autres pays d'accueillir les 50 détenus libérables, une partie du Congrès se montrant hostile à leur arrivée sur le sol américain pour des raisons de sécurité.

L'Allemagne, qui avait déjà refusé de recevoir les Ouïghours, a annoncé jeudi ne pas accepter en l'état une demande américaine d'héberger deux détenus de Guantanamo. Selon des sources au sein des services de sécurité, l'un viendrait de Tunisie, l'autre de Syrie.

Un ex-détenu, l'Algérien Lakhdar Boumediene, a lui été accueilli en France avec sa famille.

Exprimant la gratitude de sa communauté aux Bermudes, le secrétaire général de l'Association des Ouïghours américains, Alim Seytoff, s'est néanmoins dit inquiet pour l'avenir de ces hommes, si loin des déserts et montagnes de leur Xinjiang natal.