Quelque 150 000 personnes se sont rassemblées jeudi soir à Hong Kong pour une veillée aux chandelles, seule manifestation publique sur le sol chinois marquant le 20e anniversaire de la sanglante répression du printemps démocratique de Pékin, ont annoncé les organisateurs.

Le territoire de Hong Kong, aux portes de la Chine, est depuis 20 ans la scène des commémorations les plus importantes de la répression de la nuit du 3 au 4 juin et la base de repli de nombreux dissidents de Tiananmen.

Devant la foule immense, Szeto Wah, président de l'Alliance de Hong Kong pour le soutien aux mouvements patriotiques et démocratiques en Chine, a souligné que la participation dépassait les attentes des organisateurs, tandis que la foule continuait d'affluer vers le parc Victoria quarante minutes après le début de la cérémonie.

La police a chiffré pour sa part à 62 800 le nombre des participants.

Une première manifestation avait rassemblé plusieurs milliers de personnes dimanche.

À 20h00 heure locale (12h00 GMT), les lumières se sont éteintes dans le parc où les manifestants ont allumé des bougies et observé quelques minutes de silence, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Même si Hong Kong est le seul endroit en Chine où la flamme peut briller, elle ne s'éteindra pas», a assuré Cheung Man-kwong, député hongkongais pro-démocratie et organisateur de la veillée.

Sur une estrade avait été disposée une immense banderole sur laquelle était écrit : «4 juin, 20 ans - transmettre le flambeau à la prochaine génération».

Plusieurs personnalités devaient prendre la parole, dont Xiong Yan, de retour sur le sol chinois pour la première fois depuis 17 ans. Il figurait sur la liste des 21 étudiants les plus recherchés après la répression et a passé deux ans en prison avant de s'enfuir aux États-Unis.

«Cette manifestation montrera au monde ...que nous nous souvenons encore du mouvement démocratique de la place Tiananmen», a déclaré M. Xiong à l'AFP.

Un autre des leaders des manifestations de 1989, Xiang Xiaoji, en exil depuis dix ans aux États-Unis, a été refoulé mardi à son arrivée à Hong Kong.

Mercredi, Wu'er Kaixi, autre leader étudiant de Tiananmen et membre de la communauté ouïghour, qui vit désormais à Taïwan, a tenté d'entrer en Chine via Macao mais été bloqué, avant d'être refoulé jeudi vers Taïwan, a-t-il indiqué à l'AFP.

En vertu du principe d'«un pays, deux systèmes», garanti après la rétrocession en 1997, les Hongkongais bénéficient de bien plus de libertés que leurs compatriotes du reste de la Chine, notamment la liberté de la presse et de manifester, dans le territoire qui bénéficie d'un statut de Région administrative spéciale (RAS).

Pendant les sept semaines de manifestations pro-démocratie de 1989, les habitants de ce qui était encore une colonie britannique s'étaient fortement mobilisés, collectant des fonds et même des tentes pour les manifestants de Pékin.

Selon Han Dongfang, autre leader qui se bat désormais pour les droits des travailleurs en Chine, la forte hausse du nombre des manifestations dans le pays ces dix dernières années montre que l'esprit de Tiananmen a perduré.

«Aujourd'hui, un grand nombre de Chinois considèrent les manifestations comme un moyen de revendiquer leurs droits usurpés par des responsables corrompus, des hommes d'affaires véreux et des employeurs sans scrupules», a-t-il déclaré.

Selon un rapport des autorités de Pékin, 241 personnes avaient trouvé la mort, dont 36 étudiants, au cours de la répression du mouvement démocratique de 1989, mais les autorités centrales n'ont jamais publié de bilan, qualifiant le mouvement de rébellion contre-révolutionnaire.

Les manifestations de mai-juin 1989 et leur violente répression sont un sujet tabou en Chine et l'anniversaire a été passé sous silence dans la presse, à part une mention dans un journal en anglais.

En Chine, les forces de police ont été déployées, notamment place Tiananmen à Pékin, coeur de la révolte, pour empêcher toute commémoration.