De nombreux dissidents ont été emmenés hors de Pékin ou confinés chez eux mercredi à la veille du 20e anniversaire de la sanglante répression des manifestations en faveur de la démocratie dans la nuit du 3 au 4 juin 1989.

Dans le même temps, la place Tiananmen, coeur de la révolte du «Printemps de Pékin», était quadrillée par plusieurs centaines de membres de différents corps de police, a constaté l'AFP.

Qi Zhiyong, qui a perdu la jambe gauche dans la répression de 1989, a été emmené de force hors de la capitale, après avoir refusé de partir de son plein gré.

«Tous les jours, c'est dans une voiture de police que je dois emmener ma fille à l'école mais, aujourd'hui, après l'avoir accompagnée, la police a refusé de me laisser sortir de la voiture», a expliqué le dissident, dans un texto à l'AFP.

«Ils sont en train de me conduire hors de Pékin. Ils vont saisir mon téléphone», a-t-il aussi écrit, avant qu'il ne devienne impossible de le joindre.

Des centaines, peut-être des milliers, de manifestants, étudiants et citoyens solidaires, ont été tués dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 après que les chars de l'armée chinoise eurent envahi les rues de Pékin pour écraser sept semaines de revendications démocratiques et pacifiques, qualifiées de «rébellion contre-révolutionnaire» par le pouvoir communiste.

Le sujet reste tabou en Chine où le «6-4», le 4 juin, est tous les ans tendu.

Mais «cette année, la police prend des mesures beaucoup plus radicales», a estimé Nicholas Bequelin, de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch à Hong Kong.

«Toute la protection légale évoquée par l'État part en fumée dès que le parti communiste se sent menacé. Ils privent les gens de leur liberté de mouvement, de fait les enlèvent ou les arrêtent sans aucune justification légale», a-t-il ajouté.

L'écrivain Jiang Qisheng, emprisonné pour subversion pour avoir voulu organiser des commémorations en 1999, n'a ainsi pas pu accompagner sa femme chez le médecin mercredi: les cinq gardes en faction devant son domicile lui «ont dit qu'il n'avait pas le droit», a-t-il raconté en s'insurgeant contre des procédés «illégaux».

Amnesty International a recensé plusieurs autres figures de la dissidence ayant eu des démêlés avec la police dans tout le pays, dont, à Pékin, le militant antisida Wan Yanhai, «mis dans un train de force avec sa famille» pour une ville du Nord, et Zeng Jinyan, l'épouse du dissident emprisonné, Prix Sakharov 2008 pour la liberté de pensée, Hu Jia.

«Zeng Jinyan a brutalement été repoussée par cinq policiers» mercredi alors qu'elle voulait sortir de chez elle avec sa fillette. «Ils lui ont dit qu'elle n'avait pas le droit de quitter son domicile dans les prochains jours», a indiqué Amnesty.

Ding Zilin, 72 ans, mère d'une victime de Tiananmen, est également restée chez elle, sous surveillance, après que la police lui a demandé de partir.

«J'ai refusé», a-t-elle affirmé à l'AFP, ajoutant avoir été suivie mardi alors qu'elle était sortie faire des courses pour ses propres commémorations privées: celle de la naissance de son fils le 2 juin, celle de sa mort le 3 au soir, à 17 ans.

Wu Gaoxing, qui a passé deux ans en prison pour avoir manifesté dans la province du Zhejiang (est) il y a 20 ans, a été emmené dès samedi par des policiers, selon un de ses proches. Comme le dissident Bao Tong, emmené à la montagne la semaine dernière.

Wu venait de publier une lettre ouverte au président Hu Jintao réclamant une indemnisation pour ceux emprisonnés après la répression du 4 juin.

Par ailleurs, la Chine a pris d'autres mesures à destination du grand public, censurant les informations des télévisions étrangères sur Tiananmen et bloquant une série de services Internet comme Bing, le nouveau moteur de Microsoft, Hotmail, ou le réseau social Twitter.