Le Sri Lanka jubilait jeudi au lendemain de sa victoire diplomatique sur les pays occidentaux au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU à Genève, où il a échappé à une enquête internationale pour crimes de guerre.

Cet organe intergouvernemental des Nations unies, réuni depuis mardi en session extraordinaire sur le Sri Lanka, a adopté mercredi une résolution particulièrement clémente pour Colombo, dix jours après la fin d'un conflit séparatiste qui a fait en 37 ans de 80.000 à 100.000 morts.Cette réunion du Conseil s'est tenue sur fond d'allégations de crimes de guerre visant à la fois l'armée et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), lors de l'ultime coup de boutoir des militaires cette année et la résistance acharnée de la guérilla.

«Les efforts du président (sri-lankais Mahinda Rajapakse) pour éradiquer le terrorisme ont été reconnus, tout comme le succès de la plus grande opération au monde de sauvetage d'otages», a claironné le ministre des droits de l'Homme, Mahinda Samarasinghe, présent à Genève.

«C'est un message très clair: la communauté internationale est derrière le Sri Lanka», s'est-il félicité.

Le ministre des Affaires étrangères Rohitha Bogollagama s'est targué d'un «succès majeur en termes de relations internationales» qui prouverait que son pays est «largement soutenu dans le monde».

Pourtant à l'ouverture des débats à Genève, le Haut commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, Mme Navi Pillay, avait réclamé «une enquête internationale, indépendante et crédible (...) (pour) vérifier les circonstances, la nature et l'ampleur de violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire», tant par l'armée que par la rébellion.

«Il y a de fortes raisons de penser que les deux parties ont grandement bafoué le principe fondamental de l'inviolabilité des civils», avait-elle affirmé.

C'est elle qui, la première, avait prévenu en mars que «certaines actions des militaires et des Tigres pourraient être considérées comme des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité».

La perpective d'une telle enquête a même été évoquée par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avant sa visite au Sri Lanka samedi dernier.

A la mi-mai, la Grande-Bretagne, l'ex-puissance coloniale, avait déjà dit «soutenir une enquête rapide (...) pour déterminer si des crimes de guerre ont été commis», relayant les demandes des organisations Amnesty International et Human Rights Watch.

Des associations humanitaires accusent l'armée d'avoir bombardé des civils et les insurgés de les avoir utilisés comme «boucliers humains» entre janvier et avril.

Les belligérants ont nié.

Mais l'ONU pense que 7.000 civils ont péri en quatre mois et 300.000 personnes ont été déplacées dans des camps.

La résolution du Conseil des droits de l'Homme, soutenue par la Chine, l'Inde, le Pakistan, l'Arabie saoudite ou Cuba fustige uniquement les violations des droits de l'Homme perpétrées par les Tigres.

Le texte «loue» le Sri Lanka pour sa politique en faveur des 300.000 réfugiés et l'«encourage» pour ses «efforts» en matière de droits humains.

Mieux, la résolution n'évoque aucune enquête pour crimes de guerre.

En fait, le Conseil des droits de l'Homme est divisé entre, d'un côté, pays occidentaux et latino-américains et, de l'autre, pays asiatiques alliés de Colombo, notamment Pékin.

Marqué par 443 années de colonisation européenne, le Sri Lanka est aujourd'hui ulcéré par les critiques des Occidentaux et peut compter sur le soutien de l'Asie, la Russie, l'Iran ou la Libye.