Les organisations humanitaires internationales et les agences de l'ONU réclament maintenant au Sri Lanka un accès total aux plus de 250 000 civils déplacés cette année par la guerre et qui s'entassent dans des camps du nord verrouillés par l'armée.

Alors qu'elle était en train d'écraser les Tigres tamouls dans le nord-est, l'armée empêchait toute entrée de travailleurs humanitaires sur le théâtre du conflit -- à l'exception de la Croix-Rouge -- et filtrait l'accès d'ONG aux gigantesques camps dressés dans le département septentrional de Vavuniya. De janvier à la victoire militaire totale proclamée lundi par Colombo sur la guérilla, des dizaines de milliers d'hommes, femmes, enfants, vieillards tamouls --souvent blessés-- ont pu fuir par vagues la zone de guerre: ils sont 265 000 enregistrés dans des camps, selon les derniers chiffres du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies.

Mais l'accès du HCR aux sites de Vavuniya a été «grandement entravé au cours des derniers jours», a-t-il déploré lundi soir.

De même, le Bureau de l'ONU pour la coordination de l'aide humanitaire (Ocha) a dénoncé à Genève «de nouvelles restrictions d'accès» à ces camps de déplacés, «notamment à l'énorme camp de Manik Farm, qui s'étend sur 400 hectares».

Il y a dix jours, l'armée avait brièvement emmené l'AFP dans le camp numéro 2 de Manik Farm, à la condition de ne parler à personne. Là, 7 000 tentes igloo du HCR s'étendent à perte de vue sur un terrain boueux, abritant au moins 60 000 réfugiés.

Manik Farm 2 est entouré de clôtures en fil de fer barbelé et chaque entrée est gardée par des sentinelles lourdement armées empêchant les gens d'aller et venir, sauf pour se faire soigner dans des hôpitaux des environs.

D'après les humanitaires, les conditions de vie sont mauvaises dans ce que le Sri Lanka appelle des «villages de secours» et que l'organisation américaine Human Rights Watch surnomme des «centres d'internement».

Le HCR a annoncé prévoir de dresser 10 000 tentes supplémentaires pour accueillir les 70 000 derniers Tamouls qui ont survécu à la fin de la guerre ce week-end. Mais l'agence a exhorté Colombo à améliorer d'urgence les conditions sanitaires et l'approvisionnement en eau potable, vivres et médicaments de ses 42 camps du nord.

Au moment où l'armée sri-lankaise tuait lundi 300 irréductibles des Tigres et tous leurs commandants, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) déplorait de ne pas avoir pu entrer depuis neuf jours dans la zone des combats.

«Le CICR n'a donc pas pu obtenir d'informations de première main sur les besoins des civils et des blessés dans la région», a prévenu le directeur des opérations du CICR, Pierre Krähenb-hl.

Depuis avril, le Sri Lanka a rejeté systématiquement tous les appels de l'ONU et de l'Occident à un accès «humanitaire» au nord-est.

Maintenant que la guerre est terminée, la commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, a demandé à Colombo d'accorder à l'ONU un «accès total» à ces victimes. Le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, bête noire de Colombo, a exigé «un accès immédiat des organisations humanitaires internationales, agences de l'ONU et de la Croix-Rouge».

Pour sa part, le département d'État américain a jugé «vital que le gouvernement réponde aux besoins des 280 000 civils vivant désormais dans des camps».