Velupillaï Prabhakaran, le chef suprême des Tigres tamouls tué lundi par l'armée sri-lankaise, était depuis près de 40 ans adulé comme un dieu par ses partisans et considéré comme un mégalomane sans pitié par ses détracteurs.

Mais quasiment tous s'accordent sur ses redoutables qualités de guérillero: un mélange des prouesses tactiques de l'Afghan Ahmad Shah Massoud, de l'implacable cruauté de chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden et de la détermination de l'Argentin Ernesto «Che» Guevara.Jusqu'à sa mort annoncée lundi à l'AFP par un responsable militaire, Prabhakaran dirigeait l'insurrection la mieux organisée au monde qui se battait depuis 1972 pour un Etat tamoul indépendant dans le nord et l'est.

Ses quelque 20.000 combattants, hiérarchisés comme au sein d'une armée régulière, régnaient en 2006 sur un tiers des 65.000 km2 de l'île.

Prabhakaran avait monté une armée de terre, une marine et même une armée de l'air et disposait d'un puissant réseau de collecte de fonds grâce à la diaspora tamoule en Occident.

En 37 ans de guerre, violences, assassinats, attentats, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) ont saigné à blanc le Sri Lanka, tuant militaires et civils, notamment à coups d'attentats suicide.

C'est en 1972, à 18 ans, que ce benjamin d'une famille de quatre enfants de la classe moyenne de Jaffna (nord), crée les Nouveaux Tigres Tamouls (TNT). Il veut lutter contre les discriminations à l'encontre de la minorité tamoule (12,5%) par la majorité cinghalaise (74%).

Dès lors, cet étudiant jamais diplômé, né le 26 novembre 1954, embrasse la clandestinité. Il refait surface en 1975 pour revendiquer son premier assassinat politique en tuant le maire de Jaffna.

La radicalisation est lancée.

En mai 1976, il transforme les TNT en LTTE, dont l'emblème est un tigre feulant opposé au lion rugissant du Sri Lanka. Il devient tristement célèbre en 1987, lors d'attaques meurtrières contre l'armée indienne venue aider celle de Colombo.

Il jouit alors d'un véritable culte de la personnalité et ses cadres l'adulent comme le «Dieu Soleil».

Mais les Tigres de Prabhakaran assassinent en mai 1991 le Premier ministre indien Rajiv Gandhi et le président sri-lankais Ranasinghe Premadasa, en mai 1993.

Réputé sanguinaire et d'une grande cruauté, le chef imposait à ses troupes une discipline de fer, interdisant alcool et cigarettes. Comme leur leader, les Tigres, préférant mourir plutôt que se rendre, portaient une pastille de cyanure.

Affaibli par des défections et peut-être par des purges, le LTTE s'est effondré en trois ans sous les coups d'une guerre à outrance menée par le président Mahinda Rajapakse.

Lors de son offensive finale dans le nord-est, l'armée s'était emparée en février d'un bunker de deux étages, avec air conditionné, au coeur d'une plantation de cocotiers, dans le département de Mullaittivu. Dans ce bunker, sûrement l'une de ses caches, Prabhakaran avait laissé un tigre empaillé et une bouteille de cognac.

Il était silencieux depuis son dernier discours radiodiffusé annuel, au lendemain de son anniversaire du 27 novembre 2008, dans lequel il s'engager à «éliminer les forces sri-lankaises».

Depuis, le mystère planait autour du sort de Tigre numéro un.

Ses affidés affirmaient qu'il se trouvait aux côtés d'irréductibles encerclés. Des rumeurs annonçaient sa fuite à l'étranger, voire son suicide.

«Il était le seul homme au Sri Lanka à pouvoir décider de la guerre ou de la paix», a commenté le co-fondateur du LTTE devenu homme politique modéré Dharmalingam Sithadthan.