Aung San Suu Kyi clame son innocence dans l'affaire de l'Américain qui s'est introduit dans sa propriété. L'opposante birmane, dont l'assignation à résidence de ces six dernières années était censée s'achever dans deux semaines, risque désormais jusqu'à cinq ans de prison. Son procès doit s'ouvrir lundi.

La communauté internationale, qui peut craindre une nouvelle vague de répression en Birmanie, exhorte la junte au pouvoir à renoncer aux poursuites et à libérer la lauréate du prix Nobel de la paix, détenue dans la prison d'Insein à Rangoon, connue de nombreux prisonniers politiques. Les partisans de Mme Suu Kyi et plusieurs dirigeants étrangers accusent les autorités de vouloir ainsi lancer un avertissement à l'opposition avant les élections prévues pour 2010.

Arrêtée jeudi, la dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a passé la nuit dans la «maison d'hôte» de l'établissement carcéral, a précisé son principal avocat birman, Me Kyi Win. Mme Suu Kyi nie toute complicité dans l'intrusion de John Yettaw, arrivé par le lac qui borde sa résidence et interpellé au retour.

«Dame Suu m'a dit: 'Je n'ai pas violé la loi'«, a déclaré Me Kyi Win, qui a assisté à l'audience préliminaire jeudi et a pu s'entretenir avec sa cliente. «Elle n'a eu aucun contact avec le nageur. Il est entré dans la maison comme un intrus et elle n'est pas coupable», a-t-il ajouté.

Aung San Suu Kyi doit comparaître devant un tribunal spécial pour violation de ses conditions d'assignation à résidence. Il lui est interdit d'établir des contacts avec des ambassades, partis politiques et «personnes associées, ou de communiquer avec l'extérieur par téléphone ou par courrier électronique, selon son avocat. Un autre de ses conseils, Me Hla Myo Myint, a déclaré que l'opposante encourait jusqu'à cinq ans de prison.

A 63 ans, la dirigeante de la LND a passé 13 des 19 dernières années en détention sans avoir été jugée, et ces six dernières années derrière le portail de sa propriété, sous surveillance étroite et permanente, en compagnie d'une femme et de la fille de celle-ci pour s'occuper d'elle. Elle a connu des problèmes de santé récemment. Son assignation à résidence devait officiellement être levée le 27 mai: l'étonnante irruption d'un visiteur américain dans l'affaire tombe donc au plus mal pour la militante emblématique de la démocratie dans ce pays. La LND avait remporté les élections législatives en 1991 mais le régime militaire au pouvoir depuis 1962 a confisqué cette victoire.

John William Yettaw, 53 ans, a été arrêté alors qu'il retraversait le lac Inya à la nage, après avoir réussi à entrer dans la résidence de l'opposante pour demander de la nourriture et un endroit pour se reposer. Les autorités birmanes affirment l'avoir sorti de l'eau à l'aube au retour de sa visite, le 6 mai dernier, alors qu'il portait un sac à dos noir, un appareil photo, des tenailles, un passeport américain et deux billets de 100 dollars, probablement destinés, selon les officiels, à corrompre les gardes.

John Yettaw avait déjà fait cette même traversée l'été dernier mais le personnel de l'opposante l'avait empêché de parler avec cette dernière, a expliqué l'épouse, Betty Yettaw, dans un entretien accordé à l'Associated Press chez eux, près de Camdenton, dans le sud du Missouri. «Je crois que c'est ce qui l'a fait repartir», a-t-elle ajouté, décrivant son mari comme un excentrique, pacifique et «pas politisé du tout».

L'ex-femme de l'intrus, interrogée par l'AP à Palm Springs, en Californie, a affirmé que John Yettaw, qui est mormon, vivait d'une pension d'ancien combattant handicapé et de petits travaux occasionnels dans le bâtiment. Il étudiait la psychologie et a dit se rendre en Asie du Sud-Est pour des recherches sur un article concernant le pardon, selon elle.

Me Hla Myo Myint a affirmé qu'Aung San Suu Kyi n'avait pas signalé ce visiteur aux autorités, contrairement à ce qu'exige la loi, «parce qu'elle ne voulait pas qu'on arrête quelqu'un à cause d'elle».