La junte militaire en Birmanie était soumise à une forte pression internationale vendredi pour libérer la dirigeante de l'opposition Aung San Suu Kyi, transférée dans une prison pour avoir violé les termes de son assignation à résidence alors que sa santé reste précaire.

«Les autorités birmanes ont une responsabilité écrasante concernant son état de santé après avoir interdit l'accès de son médecin», a dit à l'AFP un diplomate occidental en poste à Rangoun. Jeudi, Mme Suu Kyi avait été transférée de sa résidence vers la tristement célèbre prison d'Insein où elle a été inculpée en liaison avec la mystérieuse intrusion d'un Américain, John Yettaw, début mai dans sa demeure délabrée de Rangoun.

La lauréate du prix Nobel de la paix, âgée de 63 ans, «avait besoin d'être hospitalisée pour des examens plus approfondis» avant son transfèrement dans une maison à l'intérieur du périmètre d'Insein, a souligné le diplomate en qualifiant de «précaire» et «d'inquiétant» son état de santé actuel.

L'ONU, l'Union européenne, les Etats-Unis et de nombreux autres pays occidentaux ont fermement condamné la nouvelle inculpation de Mme Suu Kyi qui a été privée de liberté pendant plus de 13 des 19 dernières années.

Selon un avocat, le procès de l'opposante pour l'affaire Yettaw s'ouvrira lundi à la prison d'Insein où sont incarcérés nombre des 2.100 détenus politiques de Birmanie, pays d'Asie du Sud-Est gouverné par des militaires depuis 1962.

Les médias officiels birmans n'ont diffusé aucune information sur l'inculpation de Mme Suu Kyi, dont l'ordre d'assignation à résidence expirait le 27 mai et qui risque désormais jusqu'à cinq ans de prison si elle est condamnée en liaison avec l'affaire Yettaw.

Cette affaire a été révélée bruyamment alors que le régime des généraux a la ferme intention d'organiser l'année prochaine des élections nationales et qu'il entend contrôler de bout en bout ce processus, auquel n'ont pas été associés Mme Suu Kyi et sa formation politique, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

 «Cela ne veut pas dire forcément que l'affaire (Yettaw) ait été montée en amont par les autorités birmanes» mais, de toute évidence, le régime «l'utilise» et saisit «toute occasion pour prolonger la détention de Mme Suu Kyi», a noté le diplomate, ajoutant: «Tout ça est lié au processus électoral».

Selon des informations diffusées aux Etats-Unis, l'Américain qui s'est rendu à la nage au domicile d'Aung San Suu Kyi, situé en bordure d'un lac, a tous les dehors d'un Don Quichotte des temps modernes, qui semble avoir agi seul en vue d'un but chimérique.

John William Yettaw, âgé de 53 ans et qui risque lui-même jusqu'à cinq ans de prison, est un ancien de la guerre du Vietnam et il est le père de sept enfants.

Avant son aventure, l'Américain a expliqué en Thaïlande à des mouvements d'opposition birmans qu'il préparait «un livre religieux sur l'héroïsme». Il appartient à l'Eglise mormone, une religion prosélyte et austère qui revendique 13 millions de fidèles.

Selon l'avocat Kyi Win, très proche de Mme Suu Kyi, John Yettaw est «un aventurier» qui porte l'entière responsabilité de l'affaire, l'opposante lui ayant demandé de quitter sa maison. «C'est un imbécile», a estimé l'avocat.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est déclarée «profondément perturbée» par la nouvelle inculpation de Mme Suu Kyi, tandis que la France a «condamné avec la plus grande fermeté» son transfèrement vers la prison d'Insein.

Amnesty International a appelé le Conseil de sécurité de l'ONU et l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) à exiger la libération immédiate d'Aung San Suu Kyi qui, selon son avocat, garde «le moral».