Sur les 714 millions d'électeurs appelés à voter ces jours-ci en Inde, 210 millions ont moins de 35 ans. Mais ils ont beau être incités à voter, les jeunes sont désabusés par l'alternance des deux principaux partis politiques. Certains se laissent toutefois séduire par la reine des intouchables, Mayawati.

«Je ne vais pas aller voter car à 21 ans, j'ai déjà perdu toutes mes illusions: que ce soit le Congrès, le Bharatiya Janata Party (BJP) ou un autre parti qui l'emporte, cela ne fait absolument aucune différence», s'exclame Sudhir Kumari, qui trie des ordures, alors que défilent devant lui les membres du Shiv Sena, un parti d'extrême droite.

 

Le jeune homme travaille 10 heures par jour pour 2$. Alors, il n'a pas l'intention de «gaspiller son temps en se rendant aux urnes».

Sapna Makné, elle, croit qu'elle ira voter, mais elle ne sait toujours pas pour qui. «Sur 62 ans d'indépendance, le Parti du Congrès a gouverné pendant plus de 50 ans, mais nous devons encore faire face à des problèmes de base comme la malnutrition et l'illettrisme», déplore cette militante de 24 ans, membre d'une association de défense de l'environnement.

Le BJP, parti nationaliste hindou, qui a dirigé la coalition au pouvoir en 1998 et 2004, n'est pas épargné. «Eux, c'est diviser pour régner. Ils font peur à notre minorité musulmane. En outre, aucun parti ne s'adresse à moi, jeune femme moderne de Bombay», soupire-t-elle.

Fait rare dans l'histoire de la démocratie indienne, le «Troisième front», une coalition de plusieurs partis, menée par Mayawati, la reine des intouchables, représente une sérieuse solution de remplacement aux deux grands partis. Ce qui inquiète Ankur Chandra, étudiant en sciences politiques de 26 ans, pour qui «l'Inde a besoin d'un gouvernement fort, pas d'une myriade de petits partis incapables d'avoir une vision globale et de prendre des décisions marquées».

C'est également l'avis de Nayan Gupta, qui déplore «ne pas avoir réussi à obtenir la carte d'électeurs». La complexité des démarches administratives est venue à bout de la volonté de ce banquier de 28 ans, un résidant de Bombay, mais né dans une ville à plusieurs centaines de kilomètres de là. «Les autorités ont tenté de simplifier les procédures et ont même créé un site internet. J'y suis allé plusieurs fois, mais je n'ai jamais réussi à m'inscrire.»

Conscients du risque de forte abstention chez les moins de 35 ans, près du tiers des électeurs, des organes de presse et des grandes marques, tentent de les sensibiliser. Quelques personnalités populaires montent également au créneau. Juhi, une des présentatrices de Channel V, une chaîne musicale destinée à la jeunesse, répète dans la vie comme à l'écran: «Vote ya Vaat», un jeu de mots mélangeant anglais et hindi, qui signifie «Vote ou paie le prix». « Ce n'est qu'une voix, mais c'est la mienne, ma seule chance d'être entendue, assène-t-elle. Voter est un droit à la base même de la démocratie.»

 

Résultats samedi

La cinquième et dernière phase des élections législatives indiennes se déroule aujourd'hui. Au total, 714 millions d'Indiens doivent désigner 543 députés de l'Assemblée du peuple, représentant 35 États et territoires de l'Union indienne. Les résultats seront dévoilés samedi.