Plus de 40.000 personnes ont fui Mingora, le chef-lieu du district de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, où l'armée a assuré mercredi avoir tué 35 talibans dans les plus violents combats depuis un accord cessez-le-feu controversé de février, rendu de facto caduc.

Et mercredi, l'armée a également assuré avoir tué 27 talibans dans le district voisin de Buner.

Même si le porte-parole de l'armée, comme celui des talibans, refuse toujours de parler d'offensive à Swat ou de rupture du cessez-le-feu, ces annonces interviennent alors que le président américain Barack Obama a réuni ses homologues pakistanais et afghan Asif Ali Zardari et Hamid Karzaï pour un mini-sommet à Washington sur la lutte contre les terroristes islamistes.

Depuis onze jours, en revanche, les militaires ont lancé une offensive --revendiquée celle-là-- contre ces combattants islamistes liés à Al-Qaïda dans les districts de Buner et Lower Dir, voisins de Swat, où le cessez-le-feu est également censé s'appliquer.

Les militaires, qui ne faisaient que «riposter à une attaque», ont tué 35 talibans mercredi près d'une mine d'émeraudes à quelques kilomètres de Mingora, a assuré à l'AFP le porte-parole de l'armée, le général Athar Abbas.

Pour l'heure, dans des bilans cumulés sur 11 jours, l'armée a assuré avoir tué près de 160 talibans à Buner, 90 dans le Lower Dir et une quarantaine à Swat. Ces bilans ne sont pas vérifiables de sources indépendantes.

Depuis quelques jours, des combats sporadiques éclataient dans la vallée de Swat, autrefois le site le plus touristique du pays, dont les talibans avaient pris le contrôle il y a près de deux ans.

Leur récente progression dans la seule puissance militaire nucléaire du monde musulman avait suscité l'inquiétude des Etats-Unis depuis l'accord de Swat, et Washington avait multiplié les pressions sur le Pakistan avant de saluer chaudement le lancement de l'offensive à Buner et Lower Dir.

«Plus de 40.000 personnes ont fui Mingora depuis mardi après-midi», a déclaré mercredi au téléphone à l'AFP Khushhal Khan, un haut responsable de l'administration du district.

«40.000, c'est un minimum, et le chiffre est sans doute plus élevé», a confirmé un officier des forces de sécurité sur place, sous couvert de l'anonymat.

Après avoir fait régner pendant presque deux ans la terreur dans la vallée de Swat, les talibans avaient négocié avec le gouvernement, mi-février, un cessez-le-feu en échange de l'instauration de tribunaux islamiques à Swat et dans six districts voisins.

Mais ils ont depuis refusé de déposer les armes et, profitant du cessez-le-feu, avaient progressé jusqu'à Buner, à une centaine de km d'Islamabad, déclenchant un tir nourri de critiques de Washington à l'adresse des autorités pakistanaises.

Barack Obama a fait de la lutte contre les talibans dans le nord-ouest du Pakistan l'une de ses priorités également pour la stabilisation de l'Afghanistan, où 21.000 soldats américains doivent prochainement venir renforcer les 38.000 qui y combattent déjà les insurgés.

Les Etats-Unis, dont les missiles ciblent régulièrement Al-Qaïda dans les zones tribales pakistanaises frontalières avec l'Afghanistan, considèrent que le réseau d'Oussama ben Laden y a reconstitué ses forces. Et de nombreux parlementaires à Washington veulent conditionner l'aide financière américaine à Islamabad à des résultats dans la lutte contre les extrémistes.

Mais le Pakistan paye également un lourd tribut à la «guerre contre le terrorisme»: outre plus de 2.000 soldats tombés dans le nord-ouest depuis 2002, plus de 1.800 Pakistanais ont été tués par des attentats dans tout le pays en moins de deux ans.

A l'été 2007, les talibans pakistanais et Ben Laden en personne avaient décrété le «jihad» contre Islamabad pour son alliance avec Washington.

bur-gir/ih