Le Pakistan a lancé une offensive contre les talibans sur plusieurs fronts dans le nord-ouest, après avoir essuyé une salve de critiques nationales et internationales, américaines notamment, pour avoir laissé les rebelles avancer après un accord de cessez-le-feu.

Après une contre-attaque initiée dimanche dans le district du Lower Dir, la première contre les talibans du district voisin de Swat depuis la signature controversée de l'accord de cessez-le-feu mi-février, l'armée a annoncé qu'elle avait entamé mardi la reconquête de Buner, un autre lieu hautement symbolique.

La semaine dernière, la prise de Buner, situé à une centaine de km d'Islamabad seulement, par ces combattants islamistes liés à Al-Qaïda avait réveillé une opinion publique jusque alors apathique, qui avait alors dénoncé la «capitulation» du gouvernement et de l'armée.

Elle avait également provoqué les foudres de Washington, principal bailleur de fonds du Pakistan, son allié-clé dans sa «guerre contre le terrorisme» lancée contre les islamistes à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

«L'armée a lancé une opération militaire à Buner à 16h00 (10h00 GMT)», a annoncé mardi soir le général Athar Abbas, porte-parole de l'armée pakistanaise. «L'objectif est l'élimination ou l'expulsion» des 400 à 500 «combattants islamistes», a-t-il poursuivi.

Les talibans s'étaient emparé de la vallée de Swat, jusqu'alors le site le plus touristique du pays, à l'été 2007. L'armée avait tenté deux années durant, de les déloger, en vain.

Mi-février, face aux exactions commises à Swat par les combattants islamistes qui décapitaient le moindre opposant et détruisaient les écoles accueillant des filles, le gouvernement provincial avait signé un accord de cessez-le-feu. Entériné le 14 avril par le président Asif Ali Zardari, il concédait aux extrémistes la création de tribunaux islamiques dans les sept districts de la région de Malakand, dont Swat, Buner et Lower Dir.

Depuis, loin de déposer les armes comme le leur imposait l'accord, les talibans avaient profité du retrait de l'armée pour pousser leur avantage sur le terrain au-delà de Swat.

La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, avait parlé, après la chute de Buner, d'«abdication» et s'était émue de l'«avancée» de ces talibans, «une menace mortelle» selon elle pour la seule puissance militaire nucléaire du monde musulman et, par voie de conséquence, pour le monde.

Buner a constitué une sorte d'électrochoc. Les talibans se cantonnaient jusqu'alors, hormis Swat, dans leurs bastions des zones tribales frontalières avec l'Afghanistan, où Al-Qaïda a reconstitué ses forces et les talibans afghans des bases arrières.

Les Etats-Unis les y pilonnent régulièrement à coups de missiles tirés par drones (avions sans pilote) mais sans parvenir à les éliminer. Au grand dam d'Islamabad qui proteste, verbalement seulement, au nom de sa souveraineté nationale.

En début de semaine, la presse américaine se faisait l'écho d'informations selon lesquelles Washington s'apprêtait à frapper aussi dans la vallée de Swat.

Dimanche déjà, l'armée avait lancé une première offensive dans le Lower Dir, assurant lundi avoir déjà tué une cinquantaine de talibans et perdu huit hommes.

Mais ces premiers combats ont déjà provoqué, dans ce district, l'exode massif de la population. «Au moins 30.000 personnes ont quitté Maidan, dans le district de Lower Dir, au cours des derniers jours», a déclaré Mian Iftikhar Hussain, ministre de l'Information du gouvernement de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP).

Mardi, les talibans avaient annoncé qu'ils considéraient l'accord de cessez-le-feu toujours en vigueur mais «mis en danger» par l'offensive du Lower Dir. C'était avant l'annonce de l'offensive militaire à Buner.