Se disant hier certaines de la victoire contre les Tigres tamouls, les autorités du Sri Lanka ont annoncé la fin des opérations lourdes de combat dans le Vanni, la région du nord-est du pays, où le conflit fait rage. De son côté, le mouvement séparatiste tamoul dit avoir encore la capacité de se battre. Qui dit vrai? Qui ment? Difficile à dire. Survol des faits.

Q: Pourquoi ne sait-on pas exactement ce qu'il se passe dans la région du Vanni?

R: Sur ordre du gouvernement sri-lankais, depuis 2008, les journalistes locaux et étrangers, ainsi que la plupart des organisations humanitaires n'ont plus accès à la zone où se déroule le conflit entre l'armée sri-lankaise et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE). Hier, c'était au tour de l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU de se voir refuser l'entrée sous prétexte que «les conditions de sécurité n'étaient pas réunies». Les témoignages les plus fiables pour le moment sont ceux des quelque 140 000 réfugiés qui ont réussi à fuir la zone de combat au cours de la dernière semaine ou des quelques 2000 blessés qui ont été évacués.

 

Q: Que disent ces réfugiés?

R: Selon différents rapports, plus de 50 000 civils se trouvent toujours dans la zone de combat, qui est maintenant plus petite que la périphérie de Central Park, à New York. Ces civils appartiennent tous à la minorité tamoule. Plusieurs réfugiés ont dit avoir été retenus de force par les Tigres tamouls. D'autres ont dit avoir été pris en étau entre l'armée sri-lankaise et les Tigres, craignant d'aller d'un côté ou de l'autre, de peur d'être abattus. Des blessés de l'hôpital de Vavunya, où opère Médecins sans frontières, ont des blessures liées à des bombardements de l'armée sri-lankaise ou à l'explosion de mines. Des photos de femmes et d'enfants tués lors de bombardements circulent sur le web. En tout, plus de 6500 personnes auraient perdu la vie depuis le début de l'escalade de la violence en janvier. Plusieurs organisations défendant les droits de l'homme, dont Human Rights Watch, suspectent les deux parties d'avoir commis des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.

Q: Que dit la communauté internationale de tout ça?

R: Depuis des mois, des organisations humanitaires demandent aux deux belligérants de faire une trêve pour permettre aux civils de quitter la zone de combat. La semaine dernière, la secrétaire d'État des États-Unis, Hillary Clinton, a dit que Washington était déçu de l'attitude du gouvernement sri-lankais qui, pour «terminer une guerre qui dure depuis plus de 25 ans, cause une souffrance inédite». Le lendemain, le Conseil de sécurité de l'ONU demandait aux Tigres tamouls de se rendre et aux autorités sri-lankaises de respecter les droits des civils.

Q: Comment réagissent les deux belligérants à ces demandes?

R: La plupart des requêtes ont été repoussées d'un revers de main. Hier, cependant, le gouvernement sri-lankais a annoncé avoir ordonné aux forces armées de «cesser d'avoir recours aux armes de gros calibre, avions de combats et bombardements aériens qui pourraient provoquer des victimes civiles». Or, le même gouvernement niait que l'armée bombardait la région du Vanni la semaine dernière. Les Tigres tamouls de leur côté refusent de se rendre et disent avoir encore la capacité de faire l'indépendance de l'Eelam tamoul, leur principal but politique. Ils ont déclaré une trêve unilatérale hier, tournée en dérision par Colombo.

Q: Pourquoi cette escalade de la violence depuis janvier 2008?

R: Le conflit entre le gouvernement de Colombo, contrôlé par la majorité cinghalaise bouddhiste du pays, et les Tigres, qui se battent pour obtenir un État indépendant pour la minorité tamoule (majoritairement hindoue) dure depuis 1983, mais a connu quelques éclaircies. Lors de son élection à titre de président en 2005, Mahinda Rajapakse a promis de venir à bout des LTTE. Moins d'un an plus tard, la violence commençait son ascension. Elle a atteint un point culminant depuis que les forces gouvernementales ont repris le contrôle de la forteresse des Tigres tamouls, la ville de Kilinochi, en janvier 2009.